Le 27 octobre 2017, à l’Assemblée nationale, je prenais la parole pour questionner la ministre de la Santé Agnès Buzyn sur l’état de la psychiatrie. Cette interrogation faisait suite à de multiples visites, entretiens et audits réalisés à l’hôpital psychiatrique Philippe Pinel d’Amiens, à l’Agence régionale de Santé, avec les soignants, les patients, la direction, les syndicats, les familles. Sourde au constat tragique que nous dressions, je lui promettais ceci : de continuer à le dire et de plus en plus fort s’il le fallait, tant que les patients continueraient d’être maltraités dans nos hôpitaux psychiatrique, les soignants les victimes de décisions budgétaires dramatiques prises au ministère, ou dans les ARS.
Après notre proposition de loi sur le financement de la psychiatrie (rejetée), en décembre, après la grève de la faim mettant en danger les soignants de l’hôpital du Rouvray, en Normandie, j’étais en déplacement à l’hôpital Pierre Janet, au Havre, pour rencontrer les grévistes « perchés » et visiter l’établissement.
Cette visite, je n’aurais pas dû la faire, trimballant journaux, radios et caméras entre les couloirs, d’un pavillon à un autre. C’est la directrice de l’ARS qui aurait dû être à ma place. Avec la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Et son Premier ministre, ancien maire du Havre, Edouard Philippe. Qu’ils voient comme j’ai vu. Comme France 3 a vu. Comme Ouest-France a vu. Comme l’AFP a vu.
Des chambres prévues pour deux accueillant trois patients. Des lits dans les salles de télévision. Dans les couloirs. Des vêtements entassés dans les salles de soin, par manque d’armoires. Des patients qui ne trouvent plus de place après leur sortie du weekend. L’absence d’activités sportives, culturelles, de loisirs, même au sein de l’établissement. Le manque de 40 médecins. Les infirmiers et infirmières en sous-effectifs, qui courent entre l’ouverture des portes, les repas, l’assistance. Qui, bien obligés, remédient à l’urgence par la chimie : et la psychiatrie devient une affaire cachetons. Quand ce ne sont pas eux-mêmes qui les prennent, pour tenir.
Ces décisions, prises à des centaines, des milliers de kilomètres de là, les dirigeants économiques ne les voient pas. Voilà notre défi : leur mettre le nez dedans. Qu’ils se rendent compte de la maltraitance budgétaire qu’ils infligent.
On ne cesse de le dire : il nous faut une autre politique de santé pour les malades psychiatriques. Mais l’urgence, d’abord : nos hôpitaux psychiatriques subissent depuis 10 ans le gel de leur budget. Comment penser à la réinsertion des plus fragiles de notre société quand on ne peut même pas prendre en charge le moment de la crise ?
Madame Buzyn, Monsieur Philippe aurait pu voir, apprendre tout ça. S’ils étaient venu à Pinel à Amiens. Au Rouvray à côté de Rouen. A Janet, au Havre. Mais ils ne sont pas venus. Ils n’ont pas vu. Par lâcheté.