Confinement le week-end : Pourquoi je dis « non » à ma préfète

Nous devons dire « non » au confinement le weekend et à leur gestion de crise. Pas un « non » de légèreté face au virus, mais démocratique, un « non » d’intelligence collective et de solidarité pour sortir de la crise, durablement.

La Somme figure parmi les vingt départements sur la sellette, cités jeudi dernier par le Premier ministre. Aussi, la préfète sonde les élus locaux sur « une mesure de confinement adapté qui pourrait s’inspirer de celle mise en œuvre dans les Alpes-Maritimes. »

J’éprouve une évidente solidarité avec les soignants. Je compatis avec les malades, leur souhaite de recouvrer la pleine santé. J’adresse tous mes vœux de courage, à travers l’épreuve du deuil, aux familles des personnes décédées. Ce virus n’est pas une blague, pas un fantasme, j’ai pu le mesurer dans mon entourage.
Et pourtant, je vais dire « non ».
« Non », au nom même des soignants, des malades, des familles.
Voici les raisons de mon opposition.

Confinement, couvre-feu : le « robinet » des libertés

Lorsque le Covid-19 est apparu, l’an dernier, nous étions pris par surprise, et le confinement total fut largement accepté. De mon côté, dans les médias ou en préfecture, je n’ai protesté que sur des modalités, qui me paraissaient de bon sens, pour rétablir de l’humanité : ouverture des parcs, promenades en forêt, ventes sur les marchés, enterrements décents…

Douze mois plus tard, nous en sommes toujours au point de départ. Et après le re-confinement de l’automne, le couvre-feu à 18 h (qui dure depuis plus de quatre mois !), la restriction des libertés semble, pour le gouvernement, la seule option. Le député en Marche, et médecin, Jean-Pierre Pont, rapporteur du projet « Etat d’urgence », l’a d’ailleurs énoncé à la tribune : « Le confinement, c’est comme un robinet : si on le ferme à fond, c’est très efficace, mais dangereux sur le plan économique. Si, au contraire, on l’ouvre à fond, on court le risque d’un raz-de-marée du virus. Il s’agit alors, et ce n’est pas si simple, de trouver la juste mesure… »

C’est une mauvaise habitude qui est prise, qui s’installe, de comparer nos libertés à un robinet, d’en faire une variable d’ajustement. Et qui a des conséquences sur la santé elle-même : un tiers des Français se considèrent aujourd’hui « en dépression », 50% des jeunes se disent « inquiets pour leur santé mentale », 30 % des étudiants ont des « idées suicidaires ».

Ne pas relever la « digue »

« Notre objectif n’est pas d’avoir un nombre de réas extensible à l’infini. » C’est Olivier Véran, le ministre de la Santé, qui déclarait cela le quinze octobre, assurant au passage : « La digue tiendra. » Et un mois plus tard, c’est le Premier ministre qui récidivait, et mentait : « Les soignants ne demandent pas d’augmenter le nombre de lits à l’hôpital, mais ils veulent surtout éviter que les malades arrivent à l’hôpital. » Alors que les soignants, depuis des mois, et même des années, alors que le Collectif Inter-Hôpitaux dans tous leurs communiqués le réclamaient : des lits, bien sûr. Et d’ailleurs, à Amiens, tous les médecins de réanimations sont en grève, un mouvement national, illimité, pour quoi ? Pour exiger des lits.

Depuis un an, c’est une évidence : le gouvernement n’a pas fait de son mieux pour « relever la digue ». Au contraire : il n’a pas voulu la relever. Malgré la crise, malgré le coût exorbitant de cette crise, il a continué à regarder les dépenses de santé, et en particulier de l’hôpital, comme un coût, et non comme un investissement.

Il en est de même pour le personnel : où a-t-on entendu un appel, solennel, du président de la République aux infirmiers, aux infirmières, qui ont quitté l’hôpital, qui ont abandonné le métier ? Un « nous avons besoin de vous » ? Jamais. Ce devrait, pourtant, la priorité, l’obsession de nos dirigeants : recruter, recruter, recruter.

Du tout vaccin au sans vaccin

Comme une éclaircie, les vaccins nous furent, à l’entrée de l’hiver, présentés comme l’arme fatale contre l’épidémie. Président et ministres se lancèrent dans une campagne contre l’ « obscurantisme », contre le « complotisme », admonestant ces Français rétrogrades, « au pays de Pasteur »… plutôt que de gérer l’intendance, plutôt que d’acquérir et produire lesdits vaccins.

Je me suis rendu, presque chaque semaine, à des comités vaccinaux à la préfecture d’Amiens, avec ce principe simple : « Que les personnes qui veulent se faire vacciner le puissent, et qu’on n’embête pas les autres. » Mais faute de doses, ces réunions perdirent leur utilité.
Le gouvernement a-t-il fait, fait-il encore, au présent, de son mieux pour que nous ayons des vaccins ? La réponse est non : absolument pas.

Que se passe-t-il ? Nous sommes dépendants des laboratoires Pfizer, Moderna, Johnson, etc., pour qui les Européens ne sont pas la priorité, les Français encore moins, et sans parler des pays du Sud… Nous avons à notre disposition une arme légale : « la licence d’office ». Et d’ailleurs, l’an dernier, à la fois l’Union européenne, le président Macron et l’Assemblée nationale (à l’unanimité) demandaient que ces vaccins soient reconnus comme un « bien public mondial ». Mais finalement, à la place d’agir, on attend. On attend que les firmes anglo-saxonnes veuillent bien nous fournir.

A voir en vidéo : Pourquoi la France n’a pas son vaccin ? Le scandale Sanofi-Macronie

En janvier, Sanofi annonçait une concession : « A partir de juillet, des doses de Pfizer seraient flaconnées sur une ligne de production à Francfort. » Trois informations, et trois scandales : pourquoi seulement en juillet ? Pourquoi seulement flaconnées ? Pourquoi seulement en Allemagne ? Mais à la place de hurler, les ministres, eux, complices, se réjouissaient. Et la semaine dernière encore, ce vendredi 26 février, Agnès Panier-Ruhnacher se félicitait : « A partir de septembre, 27 millions de doses seront produites par Sanofi… » Septembre ? De qui se moque-t-on ?

Cette passivité est inacceptable. Le président a proclamé : « Nous sommes en guerre », mais dans cette bataille, plutôt que de produire cette « arme » au plus vite, plutôt que de mettre en place une industrie de guerre, nous nous plions au calendrier de Big Pharma. Et nos dirigeants préfèrent fermer, dans la durée, bars, hôtels, théâtres, cinémas, restaurants, nous faire vivre une demi-vie confinée, que d’empiéter sur les intérêts des géants de la santé.

Zéro imagination

« Des équipes d’arpentage épidémiologiques », « le test des eaux usées », « le port de masques FFP2 dans les lieux clos », « des hottes de ventilation dans les lieux de restauration collective… » Plus de 600 scientifiques ont réclamé une « stratégie zéro Covid », proposant des pistes d’actions. Ces solutions sont-elles fiables, viables ? Comme simple député, bien sûr, je l’ignore. En revanche, je peux affirmer qu’elles ne sont nulle part discutées, ni à l’Assemblée nationale, ni dans le comité de mon département, ni dans l’entourage du président.

Et j’approuve la suite de leur texte : « Les moyens d’action proposés par les chercheurs de différentes disciplines ont été réduits à un unique curseur réglant le niveau de privation de liberté par le confinement. L’autocontrôle par les autorisations de déplacement dérogatoire et l’inutile couvre-feu de 18 heures nous valent d’être la risée de nos voisins, qui titraient dès novembre sur «l’Absurdistan autoritaire». «Et inefficace», faut-il ajouter aujourd’hui. Alors que de nouvelles souches ont fait leur apparition, plus contagieuses et plus résistantes à l’immunisation, il est temps que l’action publique s’appuie enfin sur le débat démocratique et sur des propositions rationnelles préalablement soumises au travail de controverse scientifique. »

Pour lutter contre l’épidémie, ministres et président n’innovent plus, n’inventent plus rien, ne s’appuient aucunement sur les recherches, sur l’intelligence collective. Ils se contentent du « robinet des libertés ». Il nous faut de l’imagination au pouvoir.

La démocratie à l’arrêt

Mais ces « pistes », où pourrions-nous en discuter ? Nulle part.

Depuis un an, les pouvoirs sont plus concentrés que jamais, détenus entre les mains d’un seul homme, entouré de son occulte « Conseil de Défense ». Au nom de l’ « Etat d’urgence », aucun débat ne se déroule à l’Assemblée – dont le président aurait pourtant peu à craindre. Sans parler d’une « Convention citoyenne sur le coronavirus », rassemblant soignants, étudiants, commerçants, etc., et bien sûr scientifiques. L’urgence, l’urgence permanente, l’urgence proclamée, justifie qu’on ne discute plus, qu’on ne décide plus ensemble.  « Le Président réfléchit », lit-on dans la presse, et il réfléchit seul, il réfléchit derrière des portes closes, il réfléchit aux « mesures complémentaires » pour les 66 millions de Français, infantilisés. A lui seul, il tranche entre les « commerces essentiels » et les autres activités, secondaires. A lui seul, il accorde un jour par semaine de « présentiel » aux étudiants. A lui seul, il nous fait grâce d’un nouveau confinement national…

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Comme citoyen, je suis blessé, heurté, de cette gestion solitaire, autoritaire. Mais encore, cette tyrannie se révèlerait-elle efficace ! Nullement. Il n’y a plus d’idées au sommet. Et c’est une tragédie, dans un si grand pays que la France, fait de tant d’intelligences, c’est une tragédie d’être privé de ce savoir, de cette invention, et que tout soit réduit à Un, aussi brillant que soit notre Excellent Souverain.

Le travail sacré

« Pour nous, la partie la plus importante, ce sont les lieux de travail parce que c’est là qu’on sait qu’il y a de la contamination qui reste assez importante… » C’est l’épidémiologiste Vittoria Colizza, de l’Inserm, qui s’exprimait ainsi sur France Inter. Et elle passa à autre chose, à la fermeture des écoles, au confinement le week-end, etc. Ses interviewers, Léa Salamé et Nicolas Demorand, ne relevèrent pas davantage. Comme s’il était désormais admis, communément admis, que les « lieux de travail », même si la « contamination » y demeure « assez importante », on n’y toucherait pas. La culture, on peut la fermer durant une année. Les restaurants, les bars, les endroits de convivialité, idem. Les gymnases, les salles de sport, les clubs de foot et d’à peu près tout, sans problème. Les écoles, à la rigueur, pendant quelques semaines. On peut ordonner aux Français de rentrer chez eux à 18 h, avant la nuit tombée, aussitôt après le travail. On peut exiger qu’ils se confinent, sans voir leurs amis, leurs parents, sans sortir, le samedi et le dimanche, les jours de loisirs. En revanche, « produire » et « consommer » sont essentiels. Le reste, manifestement, notre vie sociale, l’est moins.

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Le premier confinement, bien que  violent, fut bien toléré, parce que – à mon avis – ressenti comme exceptionnel : il aurait un début et une fin. Mais aussi comme (plutôt) égalitaire : toutes les activités en pâtissaient. Désormais, alors que – comme l’indique le ministre Bruno Le Maire – « 97% de notre économie tourne normalement », il faudrait sacrifier pour longtemps les 3% restants et tout ce qui, dans nos existences, n’est pas de l’économie.

C’est un tri que je refuse.

Aucune stratégie

Re-confiner le week-end, mais pour quoi faire ? Juste pour passer un mauvais moment, en attendant le suivant ? Dans une politique de pas en avant, trois pas en arrière ? Et le couvre-feu, jusque quand ? Quand les salles de cinéma rouvriront-elles ? Quand pour Thierry son restaurant ? Quand mon fils pourra-t-il reprendre son sport, le handball, arrêté depuis presque un an ? Quand ma fille ses cours de guitare autrement que par Zoom ? Quand va-t-on reprendre, avec les copains, nos foots au parc Saint-Pierre ?

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Le gouvernement ne nous offre plus d’horizon. C’est au jour le jour, à la petite semaine, au coup par coup, sans stratégie : la vaccin est-il toujours l’arme fatale ? Si oui, quand les 20% de plus de 65 ans, 15 millions environ, seront-ils vaccinés ? A ce seuil, une vie à peu près normale pourra-t-elle reprendre ? Pourquoi murmurer, alors, que l’an prochain, pour la campagne présidentielle, il sera impossible de tenir des meetings, de remplir des Zénith ?

Il n’y a plus aucun cap, aucune cohérence, aucune vue d’ensemble, aucun moyen terme. Ou alors s’agit-il d’une stratégie, non dite, tacite : maintenir un Covid à feu doux, qui les arrange. Qui leur permet l’avènement d’un « libéralisme autoritaire » : la liberté pour les entreprises, l’autorité pour les citoyens. Un Etat fauve avec les uns, carpette avec les autres.

Quoi qu’il en soit : pour toutes ces raisons, et bien d’autres, nous devons désormais dire « non » à cette gestion, « non » à un confinement le week-end, « non » à nos libertés comme variable d’ajustement, « non » à une démocratie mise à l’arrêt, « non » à un pouvoir autoritaire et solitaire, « non » à des mesures décidées dans un bureau de l’Elysée, « non » à l’absence d’horizon, « non » à tant de constance dans l’incompétence.

Pas un « non » de légèreté, d’irresponsabilité, d’inconscience face au virus. Mais un « non » démocratique, de « revoyez votre copie, et revenez avec des solutions mieux discutées, mieux justifiées », un « non » d’intelligence collective et de solidarité pour sortir de la crise, durablement.

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