Aéronautique dans la Somme : l’État va-t-il laisser faire la débâcle industrielle ?

Avec 15 milliards de débloqués pour soutenir l'aéronautique, l'Etat n'aurait pas dû homologuer les licenciements. L'accompagnement de la débâche industrielle du secteur, c'est déjà du renoncement.
aéronautique bruno le maire

Monsieur le ministre de l’Economie,

Ce lundi 7 décembre, une réunion se tenait à la préfecture de la Somme sur la situation des entreprises de l’aéronautique. Le gros des échanges a tourné autour de l’ « accompagnement » : faut-il installer une antenne de Pole emploi sur le site ? Quels dispositifs sont mobilisables ? Avec un catalogue de sigles, et une discussion moins politique, stratégique, que technique, presque administrative. Pour énoncer sommairement mon point de vue : l’accompagnement, c’est déjà un renoncement.

Vous et vos services de Bercy étiez absents de cette rencontre. C’est dommage. Que veut l’Etat ? Quelle est la vision de l’Etat pour l’aéronautique dans le département de la Somme ? Voilà les questions, et bien sûr les réponses que j’attends du gouvernement, de votre ministère de l’Economie. Quelle est la stratégie ? Laisser faire la main invisible du marché, qui dans le bassin d’Albert a en trois mois déjà détruit plus de mille emplois ? Laisser se disperser les compétences ? Laisser, pour les plus importants sous-traitants, laisser s’opérer une délocalisation sous couvert de Covid, vers le Portugal, vers le Maroc ? Voilà le mouvement auquel nous assistons. S’agit-il de l’accompagner, de l’adoucir, de rendre les licenciements plus humains ?

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Sinon, que comptez-vous faire ?

1 – Après l’aéronautique, l’ « hibernation »

Le pari, ici, c’est que l’industrie aéronautique redémarre en 2023, 2024. Mais encore faut-il que le « cluster » d’entreprises, de qualifications, n’ait pas éclaté entre temps chez nous, qu’on devienne incapables de produire des coques d’avions, tout comme nous sommes devenus incapables de produire des masques, des sur-blouses, etc.

L’Etat est-il prêt, pour les salariés, à faire le pont, la jonction, à leur fournir des formations, à peut-être les déplacer sur d’autres secteurs, mais temporairement, préparant l’après ? Quels dispositifs compte-t-on inventer, mobiliser dans l’urgence ? Dans l’urgence car plus de mille emplois ont d’ores et déjà disparu…

2 – Après l’aéronautique, la « diversification »

Il me semble, à moi comme à beaucoup, que le choc d’aujourd’hui impose de sortir le bassin d’Albert de la mono-industrie aéronautique – sans l’abandonner pour autant. A ce titre, nous avons entendu évoquer beaucoup d’idées : les éoliennes, les drones, l’énergie hydraulique, etc., et nous pourrions en avancer pas mal d’autres, notamment pour rendre l’industrie utile à la transition écologique.

Mais à nouveau, c’est vous, c’est l’Etat que je souhaite entendre, et dont je n’entends que le silence. Au printemps dernier, le président de la République déclarait que « déléguer à d’autres notre production est une folie », il annonçait des « décisions de ruptures dans les prochaines semaines, les prochains mois ». Et la rengaine est alors venue des « relocalisations » (je l’entends depuis dix ans), de la « réindustrialisation » (je l’entends depuis le double). Mais, concrètement, quelles productions l’Etat compte-t-il ramener ici ? Et pour ce qui nous concerne, quelles productions pourraient revenir en Picardie, dans le bassin d’Albert, s’appuyant sur la tradition d’une métallurgie de précision ?

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Voilà mes questions, Monsieur le ministre, et pour vous entendre, pour y répondre, je souhaite votre présence, personnelle, à la prochaine réunion de ce genre : notre Région ne peut pas laisser partir les avions comme elle a vu s’en aller le textile, les lave-linge, les meubles, etc.

Enfin, et j’en viens à du subsidiaire, mais qui paraît le minimum du minimum : dans un secteur prospère depuis plusieurs décennies, avec l’Etat premier actionnaire du donneur d’ordres Airbus, avec 15 milliards d’euros de débloqués dans le plan de relance, comment comprendre des « plans sociaux » faméliques ? C’était le cas chez 3A, avec 6 mois de congés reclassement – là où 12 mois sont normalement garantis. C’est encore le cas chez Simra, avec 8 mois. Vous devriez signifier à ces entreprises que de tels PSE ne seront pas homologués.

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