
Monsieur le ministre de l’Economie,
Ce lundi 7 décembre, une réunion se tenait à la préfecture de la Somme sur la situation des entreprises de l’aéronautique. Le gros des échanges a tourné autour de l’ « accompagnement » : faut-il installer une antenne de Pole emploi sur le site ? Quels dispositifs sont mobilisables ? Avec un catalogue de sigles, et une discussion moins politique, stratégique, que technique, presque administrative. Pour énoncer sommairement mon point de vue : l’accompagnement, c’est déjà un renoncement.
Vous et vos services de Bercy étiez absents de cette rencontre. C’est dommage. Que veut l’Etat ? Quelle est la vision de l’Etat pour l’aéronautique dans le département de la Somme ? Voilà les questions, et bien sûr les réponses que j’attends du gouvernement, de votre ministère de l’Economie. Quelle est la stratégie ? Laisser faire la main invisible du marché, qui dans le bassin d’Albert a en trois mois déjà détruit plus de mille emplois ? Laisser se disperser les compétences ? Laisser, pour les plus importants sous-traitants, laisser s’opérer une délocalisation sous couvert de Covid, vers le Portugal, vers le Maroc ? Voilà le mouvement auquel nous assistons. S’agit-il de l’accompagner, de l’adoucir, de rendre les licenciements plus humains ?
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Sinon, que comptez-vous faire ?
1 – Après l’aéronautique, l’ « hibernation »
Le pari, ici, c’est que l’industrie aéronautique redémarre en 2023, 2024. Mais encore faut-il que le « cluster » d’entreprises, de qualifications, n’ait pas éclaté entre temps chez nous, qu’on devienne incapables de produire des coques d’avions, tout comme nous sommes devenus incapables de produire des masques, des sur-blouses, etc.
L’Etat est-il prêt, pour les salariés, à faire le pont, la jonction, à leur fournir des formations, à peut-être les déplacer sur d’autres secteurs, mais temporairement, préparant l’après ? Quels dispositifs compte-t-on inventer, mobiliser dans l’urgence ? Dans l’urgence car plus de mille emplois ont d’ores et déjà disparu…
2 – Après l’aéronautique, la « diversification »
Il me semble, à moi comme à beaucoup, que le choc d’aujourd’hui impose de sortir le bassin d’Albert de la mono-industrie aéronautique – sans l’abandonner pour autant. A ce titre, nous avons entendu évoquer beaucoup d’idées : les éoliennes, les drones, l’énergie hydraulique, etc., et nous pourrions en avancer pas mal d’autres, notamment pour rendre l’industrie utile à la transition écologique.
Mais à nouveau, c’est vous, c’est l’Etat que je souhaite entendre, et dont je n’entends que le silence. Au printemps dernier, le président de la République déclarait que « déléguer à d’autres notre production est une folie », il annonçait des « décisions de ruptures dans les prochaines semaines, les prochains mois ». Et la rengaine est alors venue des « relocalisations » (je l’entends depuis dix ans), de la « réindustrialisation » (je l’entends depuis le double). Mais, concrètement, quelles productions l’Etat compte-t-il ramener ici ? Et pour ce qui nous concerne, quelles productions pourraient revenir en Picardie, dans le bassin d’Albert, s’appuyant sur la tradition d’une métallurgie de précision ?
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Voilà mes questions, Monsieur le ministre, et pour vous entendre, pour y répondre, je souhaite votre présence, personnelle, à la prochaine réunion de ce genre : notre Région ne peut pas laisser partir les avions comme elle a vu s’en aller le textile, les lave-linge, les meubles, etc.
Enfin, et j’en viens à du subsidiaire, mais qui paraît le minimum du minimum : dans un secteur prospère depuis plusieurs décennies, avec l’Etat premier actionnaire du donneur d’ordres Airbus, avec 15 milliards d’euros de débloqués dans le plan de relance, comment comprendre des « plans sociaux » faméliques ? C’était le cas chez 3A, avec 6 mois de congés reclassement – là où 12 mois sont normalement garantis. C’est encore le cas chez Simra, avec 8 mois. Vous devriez signifier à ces entreprises que de tels PSE ne seront pas homologués.