Jeunesse : je lance un appel aux parents, aux grands-parents

Parents, grands-parents, je lance un appel : je vous demande de faire pour la jeunesse ce que d'autres, avant nous, avant vous, ont fait pour la vieillesse.
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C’est aux parents et aux grands-parents que je m’adresse, c’est à vous, pour vos enfants, pour vos petits-enfants, que je lance un appel. Et j’irai droit à l’essentiel.

Dans l’épreuve que traverse notre nation, vous avez une dette envers la jeunesse.
Depuis l’an dernier, pourquoi les jeunes sont-ils confinés ? Pourquoi a-t-on fermé leurs universités ? Pourquoi leur a-t-on imposé enfermement et couvre-feu ? Pour vous protéger, vous, leurs ainés, les plus âgés, et ce sacrifice, les jeunes l’ont largement accepté.

Mais c’est un sacrifice.
D’après Santé Publique France, un jeune sur trois est en dépression, la moitié se disent inquiets pour leur santé mentale, 20 % ont des idées suicidaires.

Et comment sont-ils remerciés ? Comment les récompense-t-on pour leur civisme, pour leur altruisme ? En leur imposant une double peine : c’est eux, qui vont payer, qui paient déjà, la crise sociale.

Le retour des soupes populaires

Les images ont frappé, glacé : ces files de jeunes gens, des queues infinies, des centaines de mètres, pour aller quérir un colis alimentaire, le soir, dans la rue ou dans un gymnase, à l’occasion d’une distribution caritative…

Qui n’est pas stupéfait par cette vision ? Qui ne retrouve pas, comme en un écho visuel, le souvenir de ces clichés en noir et blanc aperçus dans les manuels d’histoire, au chapitre de la grande dépression, prises aux Etats-Unis lors des soupes populaires ?

Mais il ne s’agit pas des années 30, là, ni de la lointaine Amérique. Il s’agit de notre pays, aujourd’hui, au XXIe siècle, et c’est l’avenir de notre Nation qui est réduit à la mendicité.

Comment y répond-on ?

La générosité comme palliatif

L’Etat se met à la bienfaisance, avec des aumônes : 150 € en juin, 200 € en octobre. Et partout, pour les jeunes, ce sont des appels à dons, des cagnottes sur Leetchi, des collectes dans les supermarchés, des caddys remplis de raviolis, de conserves, de sachets de purée. Chacun y va de sa bonne action.

Moi-même j’y participe, à Amiens, avec le restaurateur Thierry Martin et ses copains, qui préparent des repas quotidiens, avec ma permanence de député submergée, de la cave à l’entrée, jusqu’au canapé, par les cartons de tampons hygiéniques, gels douches, tubes de dentifrice… C’est formidable, non, cette générosité ?

Eh bien non. C’est lamentable, cette générosité.

Car à qui accorde-t-on notre charité ? Ce n’est plus à des continents lointains, après une famine, un tremblement de terre, un tsunami. Ce n’est même plus aux pauvres de chez nous, aux découragés, aux relégués de l’emploi. Non, c’est à nos étudiants, à nos jeunes, et il faudrait s’applaudir, applaudir ce scandale ?

Ce rapport, je l’ai mené en reporter, avec les ministères, certes. Mais surtout, d’un Foyer de jeunes travailleurs à une résidence universitaire, d’une Maison familiale rurale à une Mission locale, des sortants de l’Aide sociale à l’enfance au Mouvement des jeunes chrétiens…

« La peur de ne pas y arriver »

Avec, partout, des témoignages vibrants.

Des témoignages sur la peur, je cite, « la peur de ne pas y arriver, de ne pas payer son loyer, la peur de ne plus avoir, la peur de ne pas manger, la peur de l’été qui arrive, de la bourse qui ne sera plus versée. »

Des témoignages sur la faim : « Je ne mange qu’un repas par jour, soit le matin, soit le soir. Je suis allée deux fois aux Restos du Cœur, mais comme il y avait une queue monstre, là-bas je suis partie… »

Des témoignages de découragement, surtout, ce désarroi qui saisit Laurelyne : « La seule solution, c’est de faire des gosses. Ma sœur, elle a 19 ans, elle vient de faire un gosse. Je lui ai dit, ‘c’est bon, maintenant t’auras droit aux allocs…’ »

Des témoignages sur un rétrécissement, sur des existences qui se rétractent, recroquevillées sur la pauvreté : « Je ne suis jamais parti en vacances de ma vie, rapporte Rachid. C’est un exemple bête, mais je ne connais rien à part mon quartier, rien du tout. Ma vie, c’est quoi? Je me réveille le matin, je sors, je passe la journée dehors, je rentre. Je n’avance pas. Et ça c’est triste. »

J’en ai des kilomètres de témoignages. Mais à la place, je vous propose un symbole, juste un. Cette petite boite. C’est Maxime qui me l’a remise.

Un Etat qui bricole

Lui étudie en Master de psychologie à l’Université de Picardie. Ses parents ne peuvent pas l’aider, « zéro, zéro », me dit-il, sauf à l’occasion un sac de courses. Il perçoit 100 € de bourse, 150 € d’APL, voilà qui ne couvre pas son loyer. Cette année, il effectue son stage, obligatoire, dans un centre de pédopsychiatrie, du lundi au vendredi, parfois le samedi. Ce stage est non-rémunéré. Et impossible, à côté, d’occuper un petit boulot.

Il n’y a pas de beurre dans les épinards. Il n’y a ni beurre ni épinard : « Depuis que je suis à la fac, je ne mange plus de viande, plus de poissons, plus de légumes frais. C’est mieux de prendre des paquets de pâtes au Leclerc. » Son logement engloutit tout le budget. Le cinéma, le théâtre, les concerts, il ne connaît pas. Lui qui brillait au saut en longueur, il a arrêté le sport : sa licence d’athlétisme lui coûtait trop cher.

« Mais le pire, me confie-t-il, le pire, c’est la santé. Je suis malentendant. J’ai mes appareils auditifs ici. Mais ça a un coût. C’est 100 € par mois d’entretien, et je ne peux plus les mettre. Avant, c’était à demi-remboursé. Maintenant, ce n’est plus du tout remboursé par la Sécu. Ils estiment que mon handicap n’est pas assez grand. Du coup, je ne les porte plus.

Et en plus, avec les masques, moi qui avais l’habitude de lire sur les lèvres, je ne peux plus. Donc mon handicap, que je masquais, je suis maintenant obligé de l’avouer. Je demande aux gens de répéter, même à la caissière du supermarché, l’autre fois. Je vois des soupirs. Je surprends des « il est sourd, celui-là », eh bien oui. En stage, là, c’est infernal, je leur fais répéter tout le temps. »

Le choix de l’Etat : maltraiter la jeunesse

Ce cas, nous l’avons présenté à Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat à la jeunesse : comment Maxime peut-il s’en sortir ? « Maxime, moi j’ai deux conseils à  lui donner, nous a-t-elle répondu. D’un côté, c’est de demander le fonds d’urgence auprès du Crous. Donc, ça ferait le versement de 100 euros par mois en plus. Et de l’autre côté, parce qu’il fait des études hyper-utiles, humainement et socialement, il pourrait aujourd’hui, Maxime, faire une mission de service civique. C’est 680 euros par mois sur les douze prochains mois. »

Je suis retourné vers Maxime, avec ces suggestions ministérielles : « L’aide exceptionnelle, je l’ai demandée et obtenue… mais c’est 100 € par an, et non par mois ! Autrement dit, une aumône. Et pour le service civique, il faudrait donc que je mène ça en parallèle de mon stage, de mes études. J’ai déjà fait plusieurs demandes, toutes refusées : les administrations, ou les associations, qui pourraient me recruter, quand je les contacte, elles privilégient les jeunes avec plus de temps libre, et je les comprends.

Mais quand même, tient-il à ajouter : la ministre me paraît à côté de la plaque. Elle ne connaît pas la réalité. Elle croit ses dispositifs magiques, universels… »

La secrétaire d’Etat bricole, avec des bouts de service civique par-ci et de contrat par-là.
Le gouvernement bricole depuis un an.
L’Etat bricole depuis trente ans.
Et c’est un choix, c’est un choix politique, d’être à côté de la plaque.
C’est le choix de faire souffrir notre jeunesse, c’est le choix de maltraiter la jeunesse dans la durée.

L’aveu de Macron

Quand, dans L’Opinion, la semaine dernière, Emmanuel Macron fait paraître une tribune, quand il écrit : « Nous travaillons pour qu’en avril 2025, puisse paraître une Une sur notre jeunesse qui aurait tourné la page », ça se veut de l’empathie, ça se veut une espérance, mais c’est tout l’inverse : c’est un aveu ! quatre ans ! Quatre ans ! Les jeunes devront attendre quatre ans, en suer durant jusque 2025, pour « tourner la page » !

Quand l’Etat veut, pourtant, l’Etat peut. Dès le premier confinement, dès le premier jour, l’an dernier, pour les entreprises, pour toutes les entreprises du pays, pour leurs salariés, l’Etat a dressé un filet de sécurité. Avec deux mesures, deux mesures d’ampleur, deux mesures simples, sans critère et sans condition, qui valaient pour la PME du coin comme pour la multinationale : le chômage partiel et le prêt garanti. Un vaste filet de sécurité, et je ne le conteste pas ici.

Mais pour les jeunes, rien. Rien pendant un an. Rien sauf des aumônes. Et quand le scandale est devenu trop criant, trop évident, l’Etat a bidouillé des « dispositifs », des « dispositifs » avec des critères et des conditions, cette fois, des « dispositifs » avec des trous partout, des « dispositifs » même pas financés, sans enveloppe, des « dispositifs » bidons. Mais tout, pour les jeunes, tout, sauf un vaste filet de sécurité.

Un filet de sécurité sociale pour les jeunes

C’est ce filet de sécurité que je viens réclamer ici. Le minimum du minimum. Avec une idée guère originale, plus que banale, mais de bon sens, une évidence : dans notre pays, la majorité politique est à dix-huit ans : un Français peut voter. Dans notre pays, la majorité pénale est à dix-huit ans : un Français peut aller en prison. Pourquoi la majorité sociale n’est-elle pas à dix-huit ans ? Pourquoi, jusque vingt-cinq ans, les jeunes sont-ils exclus du RSA ? Pourquoi cette discrimination par l’âge ?

Quelle décision politique étrange, tout de même, et qui dure : une mesure supposée lutter contre la pauvreté écarte… les plus frappés par cette pauvreté ! Elle évite ce qui devrait être sa première cible !

Mais au-delà, parents, grands-parents. Je vous demande de faire pour la jeunesse ce que d’autres, avant vous, avant nous, ont fait pour la vieillesse.

Après la Seconde Guerre mondiale, dans une France exsangue, qu’ont décidé nos anciens ? De mettre en place « un vaste plan de sécurité sociale », avec notamment les retraites, avec le minimum vieillesse. Et ce fut un miracle : depuis des millénaires, vieillesse signifiait pauvreté dans les milieux populaires. On vieillissait, quand on avait la chance de vieillir, au crochet de ses enfants, ou de la charité. C’était la norme, qui appartenait au paysage. Et voilà qu’en trente ans, cette malédiction séculaire fut brisée : le taux de pauvreté chez les personnes âgées fut divisé par quatre, il a glissé sous la moyenne nationale. Et pourquoi, comment ? Parce qu’on est passé d’une solidarité familiale à une solidarité nationale, à une solidarité sociale.

Sortir les jeunes de la pauvreté : appel aux parents et grands-parents

C’est le même mouvement qu’il nous faut poursuivre, aujourd’hui, pour la jeunesse. Car les statistiques se sont inversées : c’est chez les jeunes, désormais, que la pauvreté est massive, quatre fois plus élevée que chez les retraités. C’est chez les jeunes, désormais, que cette pauvreté est devenue la norme, qui ne choque plus, qui appartient au paysage. Et ce sont les jeunes, désormais, qui vivent au crochet de leurs familles, un peu ou beaucoup, selon les fortunes : pour les plus aisés, leur loyer est payé, pour les autres, ils sont dépannés d’un sac de courses.

Cette solidarité familiale, inégale, ne suffit pas : là encore, il nous faut aller vers une solidarité sociale, une solidarité nationale. Il nous faut un socle offert à toutes, à tous, pour se former, pour se loger, pour se soigner, pour découvrir notre pays, pour s’envoler du nid, sans une aile cassée, sans un plomb à la patte.

C’est dans la pire des épreuves à la sortie de la nuit nazie que notre pays s’est grandi. A notre tour dans l’épreuve que traverse notre nation à notre tour de nous grandir pour notre jeunesse pour nos enfants pour nos petits-enfants.

Aller plus loin : « Un an qu’ils crèvent de faim et vous vous arrivez les mains dans les poches ! »

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