Tout a brûlé, et après ?

Quand un malheur aussi soudain advient, on se dit, va exister une chaîne de solidarité, un filet de protection va se dresser. C’est vrai, un peu, mais pas trop. Et très vite ça disparaît.

« J’entends encore le chien des voisins, qui aboyait, qui suppliait. C’est lui qui m’a réveillée. »

Le dimanche 14 janvier dans la nuit, Laura se lève et découvre, dans son garage, un incendie. Elle crie, appelle son mari Tony, fait sortir les quatre enfants, prévient les voisins mitoyens, appelle les pompiers. Le temps qu’ils arrivent, toute la maison a brûlé, où ils louaient depuis des années. Et aussi la maison à côté. Toutes les affaires sont brûlées, calcinées. A cause de quoi ? On ne sait pas encore, les experts en discutent, se disputent : l’électricité ? le fioul ?

Quand un malheur aussi soudain advient, on se dit, va exister une chaîne de solidarité, un filet de protection va se dresser. C’est vrai, un peu, mais pas trop. Et très vite ça disparaît.

Le maire leur ouvre ainsi la salle des fêtes, pour se réchauffer, des plats leur sont apportés pour la journée. Mais dès le soir, la débrouille commence. Eux sont hébergés par leurs parents. Et leurs voisins, une famille nombreuse également, par d’autres voisins. Il manque des couchages, on tape à la porte des uns, des autres, pour des couvertures. Des dons arrivent, pour des meubles, pour des vêtements, grâce à Sandrine, l’instit du village.

Mais avec quatre enfants, chez les grands-parents, ça ne peut pas durer éternellement. Et en vue, aucun relogement. Aucune institution, ni la Préfecture, ni le Département, ne se précipite après l’accident.

Le garde-champêtre indique que, peut-être, il y a une résidence en vente dans le bourg. 750€ par mois. Outch. C’est presque le double du loyer d’avec, 420€. Avec un salaire, celui de Monsieur, ouvrier chez Trioworld, le SMIC tout sec. Et Madame qui a assez de boulot avec les quatre gamins.

Mais est-ce qu’on a le choix ?

On prend le logement.

« Aujourd’hui, on est le 12 du mois, je peux vous dire que c’est dur dur, déjà. »

Mais surtout, voilà qui se révèle un quasi-taudis. Les murs sont infiltrés par l’humidité. Le chauffage est en panne, seul le poêle à bois fonctionne : « Le soir, c’est 13°C dans les chambres et quatre couvertures. » Pas d’eau : « On va se laver chez mes parents. » Les canalisations bouchées, les tuyaux qui dans la cour débordent de merde. L’électricité pas du tout du tout aux normes, les fils qui pendouillent, les interrupteurs à nu.

« Notre impression, c’est que le propriétaire a profité de notre malheur. »

Ils ont donné leur préavis, au 31 mai, mais pour aller où ?

« Il nous faut trois chambres. L’office HLM n’a pas, pour l’instant. On passe dans les agences, on regarde sur Leboncoin, y a rien. »

La galère. Et le compte à rebours qui trotte, la date qui approche, pour préserver les enfants.

« Mais j’ai de la chance, ma boîte est compréhensive : quand il faut, je peux prendre un jour de congé. Notre voisin, lui, il est intérimaire. Il a dû s’absenter, à cause des expertises : sa boîte l’a licencié… »

En sortant de chez Tony et Laura, on liste les courriers à faire, les appels à passer pour pousser leur dossier : office HLM, proprio, conseil départemental, etc.

Mais au-delà : il faut le filet de protection. L’assurance que, en cas d’accident, ce ne sera pas la chute derrière. Que la solidarité ne durera pas que 24 heures. J’ai aperçu cela, déjà, même sur des meurtres : on croit que les victimes, la famille, seront accompagnées, dorlotées. Eh bien non : les scellés sont mis sur la porte, parfois, et eux se retrouvent à la rue ! Que faire, alors ? Un service d’urgence sociale, de la Préfecture, du Département, une équipe qui, dans ces cas de force majeure, propose un service complet : pour les papiers, le logement, le psychologue, etc. Que dans ce moment où la Fatalité vient de frapper, comme la foudre tombe du ciel, que l’on ne soit pas abandonnés par nos frères humains. Qu’on éprouve la chaleur de l’entraide, et non les eaux glacées de la solitude. De quoi surmonter l’épreuve.

Partager :
Pour me soutenir... faites un don !

C’est pas pour moi, personnellement : vous le savez, je ne garde que le SMIC de mes indemnités parlementaires, mais pour continuer d’organiser des événements, de publier tracts et affiches, de mener la bataille des retraites et les suivantes !