Agriculteurs du Gard : « Le souci, c’est le revenu »

« Le souci, c’est le revenu. Voilà le sujet : ventre affamé n’a pas d’oreilles. »

Je me suis rendu, hier, à l’autre bout du pays : près de Nîmes, où l’A9 est bloquée par les agriculteurs. Chez moi, c’est plutôt céréales, betteraves, patates, vaches laitières. Ici, ça me change : de la vigne, des arbres fruitiers, du riz, des moutons, pas mal de bio aussi. Avec, néanmoins, du nord au sud, un souci en commun : les prix.

« C’est la priorité », comme le martèle David Sève, le président de la FDSEA du Gard.

Je ne vais pas le cacher : je l’ai bien aimé. 

« Quand on entend Attal, hier, qui démarre sur les haies, qui nous fait un exposé sur les quatorze règles avec les haies, c’est pas le sujet. C’est comme si la maison brûle et que le gars te dit : ‘On va régler l’horloge’.

Non : on est dans une crise économique. L’an dernier, on a connu une inflation de 30%, 40% sur les intrants. Et à côté de ça, les prix agricoles ont stagné ou baissé. Le malaise des gars, ici, le gros gros malaise, qui peut faire péter des câbles, c’est qu’ils ont fait les comptes à la fin de l’année : zéro, ou dans le rouge. Ils ont bossé pour rien. Ils sont endettés. Certains ne paient plus la MSA. Ils ont les huissiers qui menacent. C’est ça l’angoisse. C’est ça qui fait qu’un stade est franchi, qu’on a du mal à les tenir.

Alors, les normes… Bien sûr qu’il y a des trucs ubuesques, que c’est ennuyeux, qu’il y a beaucoup de papiers. Mais si le porte-monnaie était rempli, qui manifesterait ici ? Le vrai vrai vrai problème, c’est qu’on ne nous paie pas la marchandise le prix qu’il faut. Avec la concurrence du sud, déloyale, sur le social, sur l’environnement… Et avec face à nous la grande distribution : ils sont quatre, ils ne seront bientôt plus que trois. C’est pas un système libéral, ça : ils imposent leurs tarifs. Moi je dis : on a remplacé les monopoles publics par des monopoles privés.

L’agriculture, elle ne peut pas répondre qu’à la loi du marché. Il nous faut un Etat qui régule. Un Etat qui accompagne, aussi. Avec des collègues, on est allés en Espagne, on a rencontré des agriculteurs là-bas : leurs fonctionnaires, l’équivalent de la DDTM, ils viennent chez eux, ils les aident à remplir les papiers, ils cherchent les subventions européennes à gratter… Ca installe un autre climat, plus sympa, ils sont accueillis avec le sourire. Nous, ici, c’est du contrôle presque punitif : la case que tu n’as pas cochée, la ligne oubliée. Alors qu’on aurait besoin de conseils, d’être accompagné à la diversification, à l’installation… »

L’agriculture, c’est presque un cas d’école, les cultivateurs assistent à l’agonie d’un système : veulent-ils plus de marché, plus de libre-échange, ou plus de protection, de régulation ?

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