Monsieur le PDG, vous avez affiché votre ambition d’emblée : devenir major de l’énergie responsable. On en est loin, votre firme est parmi les pires émettrices de CO2, près de 1% à vous tout seul. Voilà pour le présent, soit. Mais le pire, c’est l’avenir.
Car quel futur préparez-vous ? 95 % de vos investissements, 95 %, 9,2 milliards, c’est pour l’exploration et l’exploitation de pétrole. Et les 5% restants, pour les « énergies bas carbone ». Mais dans « bas carbone », vous comprenez le gaz et les bio carburants. C’est cohérent. C’est cohérent avec la trajectoire climatique que vous visez. Je vous cite : « Nous on a notre scénario, mais il fait pas 2°C parce qu’on est trop pragmatique, il doit faire 3°C, 3,5°C ». Et vous dépensez des millions, précisément 29 millions l’an dernier, pour freiner les lois sur le climat, pour entraver les règlements, pour influencer les médias. Mais en freinant ainsi, en jouant sur les degrés, à 3°, c’est la photosynthèse qui cesse de fonctionner, les plantes qui dégagent du CO2 au lieu d’en absorber. C’est la fonte de tout le permafrost. Ce sont les eaux qui montent, avec des centaines de millions de réfugiés. C’est une catastrophe qu’en fait, dont on ne mesure pas l’ampleur. Sachant tout cela, poursuivre votre business as usual, c’est un comportement criminel.
Pourquoi, en le sachant, ne pas changer, alors ? Pourquoi ne pas basculer ? Opérer la transition dans votre groupe ? Parce que ce serait nuire à votre rentabilité. Vous l’écrivez vous-même :
« La préoccupation croissante des parties prenantes en matière de changement climatique sont susceptibles d’affecter défavorablement les activités du groupe et sa situation financière » avec des « conséquences négatives significatives sur ses activités, sa situation financière, y compris ses résultats opérationnels et ses flux de trésorerie, sa réputation, ses perspectives ou sa valeur actionnariale ».
Vous pouvez nous dire que la valeur actionnariale n’est pas le but de votre entreprise, et pourtant, c’est la clé. Voilà pour qui vous gouvernez. Pas pour l’humanité, pour les salariés. Et c’est aux actionnaires que vous versez 10 milliards. 10 milliards d’euros l’an dernier, versés aux actionnaires, en dividendes et en rachats d’actions.
Alors on peut souhaiter d’un pôle public de l’énergie. Qui reprenne les les 10 milliards d’€ versés pour les actionnaires. Avec les 10 milliards d’€ investis dans le pétrole, c’est 20 milliards en plus pour les énergies propres.
Mais ce n’est plus au PDG de Total que je veux m’adresser. Je n’ai pas vraiment d’espoir de faire changer votre groupe, avec les fonds de pension derrière, les Vanguard Group derrière.
En revanche, je garde espoir en l’homme Pouyanné. Je ne doute pas vous aimiez vos enfants, que vous riez devant Louis de Funès dans la Folie des grandeurs. Que vous soyez comme un individu inquiet du réchauffement climatique, navré de la disparition des rhinocéros et des abeilles. Mais il est clair qu’on prépare un monde de merde à nos enfants, et vous en êtes partie prenante.
Alors, comme homme, comme personne, je dirais : c’est comme pour la mafia, nous avons besoin de repentis. Quittez le côté obscur de la force, revenez vers la lumière. Défilez samedi avec les jeunes pour le climat.