Priscille, ex-animatrice périscolaire : « Ils m’ont dégoûtée du métier »

"J’aimais mon métier. J’adorais les enfants. Les parents m’appréciaient. Ca se passait super-bien avec les instits. Humainement, c’était formidable. Mais à 900€ par mois, comment tenir ?"

J’étais animatrice. J’adorais ce boulot. Mais la gestion, par des assos, qui changeaient, à cause des appels d’offres, ça nous mettait tout le temps sur la brèche, sous pression. Les horaires variaient, les écoles aussi. Ca m’a épuisée énormément.

Ma spécialité, c’était la danse brésilienne, et à côté je faisais beaucoup d’expression, du théâtre, de la percussion corporelle, ou les grands jeux sportifs. Je comblais les trous. Souvent, ils envoyaient des gens parce que sinon, ils étaient radiés de Pole emploi, mais ils n’avaient rien à faire là, comme animateurs. S’ils voulaient faire des travaux manuels, je prenais le foot.

Je me suis donné, de mon mieux, je partais à 6 h 40, je rentrais chez moi à presque 19 h, et tout ça pour 900 €. La maternité, maintenant j’y repense, avec mon copain musicien, mais à l’époque, je ne pouvais pas me projeter : je ne mangeais pas à ma faim ! J’allais à la banque alimentaire, avec une copine dans le même cas, on se faisait des échanges. Mais j’aimais mon métier. J’adorais les enfants, encore maintenant ils me sautent au cou. Les parents m’appréciaient. Ca se passait super-bien avec les instits. Humainement, c’était formidable. Mais comment tenir ? Je ne prenais pas de vacances. Je cumulais avec des boulots ailleurs, bien sûr.

La dernière année, il y avait dans mon groupe deux enfants d’Ulis. Un, avec un retard mental, mais adorable. Le deuxième était trisomique, très gentil. Mais je n’étais pas du tout formé au handicap. Il n’y avait pas d’AESH, parce que le périscolaire, bon, on s’en fiche. Et donc, il fallait se débrouiller, mais on avait interdiction de leur apporter des soins. C’était bien noté dans notre ordre de mission. En cas de souci, il fallait appeler les parents, mais bon : ils ne vont pas se téléporter. Et donc, le gosse trisomique, je le retrouve aux toilettes, tout nu, couvert de caca. Je fais quoi ? Je le laisse comme ça ? Je l’ai nettoyé. Et je me suis fait disputer par ma directrice, parce que ce n’était pas ma mission. Et c’est vrai.

D’ailleurs, la directrice est partie en même temps que moi, en burn-out. Dans toute l’équipe que j’ai connue, y en a plus un qui est encore dedans, des gars qui aimaient leur métier pourtant, et certains sont usés, brisés… Sans reconnaissance, et pour des salaires dérisoires.

La goutte d’eau, chez moi, c’est l’an dernier, à la veille de la rentrée. Je n’avais pas de nouvelles. Je ne savais pas s’ils me reprenaient, où ils allaient me trimbaler. Du coup, j’ai postulé comme AED, assistante d’éducation, ils m’ont prise, je fais des nuits dans un collège depuis douze mois, je n’ai rien à préparer…

Mais je trouve ça terrible : il a fallu que je quitte l’école, l’école de la République, pour obtenir un salaire, un peu de reconnaissance. Alors que je faisais un métier utile, que j’apportais aux enfants, et ils m’ont dégoûtée du métier. Je trouve ça dommage.

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