« Ca fait penser à Rendez-vous en terres inconnues…
– C’est quoi ça ? j’ai demandé.
– Tu connais pas !?! »
On réfléchissait, avec Gilles et des copains-copines, à un nouveau film, sur la réinsertion sociale d’un riche, en gros. Et on cherchait des modèles, des trucs qui inspirent.
« Mais si, tu sais, sur France 2, l’émission avec Frédéric Lopez…
– Ils envoient une vedette à l’autre bout du monde…
– Ou parfois en bas de chez lui…
– Tu as forcément vu ! »
Ben non, je n’avais pas vu. J’étais apparemment le seul con, autour de la table, qui n’avait pas vu.
J’avais des excuses, d’Assemblée, de petites occupations, mais bon : il fallait d’urgence combler mes lacunes. Je m’y suis le soir même : formidable, exceptionnel, émouvant, ce que la télévision, et en l’occurrence la télévision publique, peut faire de mieux, fidèle à la devise de Molière « instruire et divertir ».
Franchement, un documentaire classique sur « le peuple Amhara des hauts plateaux d’Abyssinie », moi, je zappe, je manque de curiosité pour m’accrocher. Et de même pour les pages du Diplo qui feraient un reportage sur ça. C’est pas bien. Je suis un vaurien, mais voilà, c’est comme ça. Là, on me prend par la main, avec une histoire, une mise en scène : Adriana Karembeu est emmenée en « terres inconnues », mais elle ignore où. On l’entraîne vers un aéroport, mais avec un bandeau sur les yeux : destination mystère.
Au départ, encore chez elle, la mannequin se refait les ongles, le maquillage, et on se dit « ouh la la ! ça va être quelque chose, la grande blonde au milieu des montagnes d’Ethiopie ! » Eh bien non, au contraire, la femme qui, en France, est une image, une égérie, une actrice à qui on ne fait jouer que son propre rôle, stéréotypé, se révèle là-bas aventurière, drôle, et surtout humaine, proche des autres.
Car ce sont les autres qui comptent.
Il y a, certes, les bâtiments : vous saviez, vous, qu’à Lalibela, à 3 200 mètres d’altitude, les chrétiens avaient construit une réplique de Jérusalem ? Il y a, aussi, la faune : les loups-je-ne-sais-plus-trop-quoi-mais-spéciaux, les singes-lions, etc. Il y a la flore : le désert qui gagne, les forêts qui reculent, abattues pour faire des arbres du chauffage.
Mais il y a surtout les autres. Les autres, les hommes, qu’on accompagne aux champs, la terre de plus en plus aride parce que trop cultivées. Les autres, les femmes, avec qui l’on va chercher de l’eau, elles qui portent 80 tonnes par an, contre dix fois moins, 8 tonnes pour les hommes. Les autres avec qui l’on mange, avec qui l’on dort, avec qui l’on parle. De cette proximité naissent les confidences, et avec Adriana Karembeu : les confidences des femmes.
Quelle séquence, magnifique, quand la fille de la maison (j’ai oublié son prénom) raconte qu’elle a échappé de justesse au mariage forcé. Que sa sœur, elle, y est passée. Qu’elle a aidé sa meilleure amie à fuir vers la ville. Et elles toutes, toutes ces filles, qui s’accrochent à l’école, l’école, l’école, comme voie de salut pour échapper à leur destin.
Adriana discute avec le père ensuite, Mengist : « Eh oui, j’ai changé, et je regrette ce qu’ont vécu mes deux filles aînées, je ne me rendais pas compte, je les ai enterrées vivantes… » Mais votre déclic, c’était quoi ? Le voilà qui cherche dans un recoin de sa hutte, qui revient avec La Déclaration universelle des droits de la Femme et de l’Enfant. « J’ai lu ça, j’ai beaucoup appris, ça m’a fait réfléchir. »
Bref, il y a de l’écologie, du féminisme, de la politique, mais tout cela, pas par de la pédagogie, pas par des leçons : par de l’émotion, par des rires et des larmes. Merci les Amhalas ! Et merci Adriana !
(J’ai commencé celui avec Gérard Jugnot : punaise, les Chipayas qui, sur les hauts-plateaux andins arrivent à vélo !)
Je vous mets les liens : avec Adriana Karembeu, avec Gérard Jugnot