Méga-bassines : vers un plan sorgho ?

"La culture du maïs utilise 25% de l’eau consommée." Après les manifs contre les méga-bassines, j'étais tombé sur ce chiffre, dans un article du Monde. Avant la nouvelle sécheresse, le sujet me semblait là, plus que dans l’"éco-terrorisme"...

« La culture du maïs utilise 25% de l’eau consommée. » Après les manifs contre les méga-bassines, surfant sur le net, j’étais tombé sur cet article du Monde, daté de 2005 : « Les ordres de grandeur sont simples : un quart de l’eau consommée est utilisé pour l’eau potable, un quart par l’industrie et l’énergie, et la moitié restante par l’agriculture. Et, sur ces 50 %, la moitié va au maïs irrigué. » Ce chiffre m’avait marqué, peut-être excessif, qui a sans doute changé depuis, mais bon. Le sujet me semblait là, plus que dans l’ « éco-terrorisme ». C’est là-dessus que le gouvernement devrait avancer, avant l’été prochain, avant la nouvelle sécheresse…

Aussi, pour bosser le fond, nous avons demandé à nos bénévoles, dont une au ministère de l’Agriculture, une note là-dessus, sur comment on évolue. Je vous la résume.

La culture du maïs occupe 2,6 millions d’hectares, de deux types :

  1. Le « maïs grain » (destiné à l’alimentation animale, porcs et volailles principalement, à l’amidonnerie, au bioéthanol, et environ 25 % pour les exportations). C’est ce maïs-là qui occupe les grandes exploitations du Sud-Ouest, souvent plus de 100 hectares : 30% de ses surfaces sont situées en Nouvelle-Aquitaine, loin devant le Grand Est (12,7 %) et Auvergne-Rhône-Alpes (10,1 %).
  2. Le maïs-ensilage, où la plante entière, épi + canne, est utilisée, hachée, mise en fermentation. Il sert pour l’alimentation des ruminants (vaches, brebis, chèvres). Mais il doit être complété par un aliment riche en protéines, souvent du tourteau de soja, importé d’Amérique latine. Ce maïs ensilage est habituellement produit par les éleveurs eux-mêmes, donc concentré dans les régions d’élevage du grand Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Normandie).

Quels sont les besoins en eau du maïs ?

Il faut compter 500 l d’eau/kg de maïs-grain, du même ordre que pour l’orge, le blé, ou la pomme de terre par exemple. 200 l/kg pour le maïs-ensilage.

Avec un souci, néanmoins : le maïs est une plante tropicale, adaptée aux conditions chaudes et humides, voire aux climats de mousson. Ses besoins sont donc concentrés sur la période estivale. Des apports d’eau sont indispensables lors de la floraison, de la formation des grains, trois à quatre semaines en juillet/août. Sans eau à cette période, la fécondation est mauvaise et le nombre de grains par épis faible. Et même s’il pleut davantage ensuite, c’est trop tard. Les besoins en eau du maïs sont accentués par son enracinement très superficiel : à l’inverse du blé par exemple, ses racines ne lui permettent pas de puiser l’eau en profondeur. Enfin, c’est une plante qui supporte très mal les sols humides : il est semé sur des sols à faible capacité de rétention d’eau, sablonneux, plus sensibles que d’autres aux sécheresses.

Dès lors, l’irrigation du maïs-grains est très fréquente : le maïs grain représente à lui seul environ 40 % des surfaces irriguées en France. Et cela sécurise le rendement : en 2020, année marquée par une sécheresse estivale, le maïs a donné 47% de plus sur les parcelles irriguées. 34 % des surfaces en maïs grain irriguées sont localisées en Nouvelle Aquitaine, 19 % en Occitanie, et 17 % en région Centre-Val de Loire.

(L’irrigation du maïs ensilage est moins fréquente : 6 % des surfaces cultivées.)

Quels impacts du changement climatique ?

Les sécheresses estivales vont toucher les rendements du maïs, sensible au manque d’eau en été. D’autant que la chaleur nuit à sa pollinisation et sa fécondation, à partir de 35°C, elles s’arrêtent complètement à partir de 40°C, et les cellules meurent à partir de 43°C. Cette hausse des températures va augmenter de l’évapo-transpiration des plantes, d’où des besoins en eau supplémentaire. Enfin, à l’inverse du blé notamment, le maïs ne sera pas en mesure de « profiter » de la hausse du CO2 dans l’atmosphère pour accroître son activité photosynthétique, à cause d’un métabolisme à part.

Tout ceci étant dit, mis bout à bout : l’irrigation deviendra de plus en plus indispensable. Or, la quantité d’eau se réduit déjà. D’où des conflits d’usage. Déjà, les surfaces cultivées diminuent, lentement.

Quelles possibilités d’adaptation ?

A cours terme, les agriculteurs avancent les dates de semis, grâce à la hausse des températures hivernales et printanières. Avec une floraison floraison, fin juin, période où le risque de sécheresse est diminué. Sans garantie de succès : risque de gelées tardives… ou de sécheresse précoce.

Du blé tendre et du sorgho pourraient remplacer le maïs. Le sorgho lui ressemble au maïs, tant dans son aspect que dans son utilisation, mais lui dispose d’un enracinement très profond, qui le rend peu vulnérable aux sécheresses. Par ailleurs, il ne réduit sa vitesse de croissance qu’à partir de 34-35°C.

Des agriculteurs se mettent à cette culture, dans le sud-ouest, le Loir-et-Cher, la Lorraine… Mais elle n’occupe pour l’instant que 0,7% des surfaces agricoles. Car bien sûr, ce changement, comme tout changement, nécessite un accompagnement technique, financier, des agriculteurs. Mais le ministère a-t-il lancé un « plan sorgho » ? Que faites-vous pour construire cette filière, pour la transformation, la valorisation de cette céréale ? Pour garantir des débouchés ? Pour adapter l’appareil industriel ? Pour présenter les apports du sorgho, ses limites aussi, sans en faire une solution miracle ?

Ou la seule option, pour le gouvernement, est-il plus d’irrigation ?

Partager :
Pour me soutenir... faites un don !

Ils sont indispensables notamment pour payer des salariés et des locaux de travail, organiser des événements, acheter du matériel, imprimer des affiches, des tracts… Ils nous aident à financer mon action politique et celle de Picardie Debout !