Le retour du maintien de l’ordre façon gilets jaunes

Les gardes à vues se multiplient par centaines, sans motif. Un manifestant désarmé se prend un coup de poing et tombe à terre. C'est le retour du "maintien de l'ordre" façon gilet jaune. Gérald Darmanin, mesurez-vous le mal que vous faites à la démocratie ?

Monsieur Darmanin, comptez-vous en revenir au maintien de l’ordre façon Gilets jaunes ?

« Je sortais de mon cours de danse, et je me suis retrouvée au commissariat ! Sans raison ! » Les gardes à vue se multiplient, par centaines, pour 24h, 48h, sans motif, sans poursuites derrière, classées sans suite pour « absence d’infractions »… L’ambassade d’Autriche est même intervenue auprès des autorités françaises pour la libération de deux mineurs autrichiens placés en garde à vue. Un manifestant, désarmé, inoffensif, se prend un coup de poing en pleine tête, on entend un craquement, l’homme se retrouve par terre, sonné… Un policier tire un LBD, et le ponctue d’un aimable : « Tiens ! Ramasse tes couilles, enculé ! » Un autre CRS prévient : « Si vous voulez rester en vie, vous rentrez chez vous ! » A Nantes, des étudiantes portent plainte pour agressions sexuelles : « J’ai senti ses doigts s’insérer dans la fente de mon appareil génital ». Des « foules » sont mises à genoux, mains sur la tête, silencieuses, domptées…

Voilà, à nouveau, la France d’Emmanuel Macron, les images qui vont circuler dans le monde.

Sous votre commandement, la police française semble en revenir à un maintien de l’ordre façon Gilets jaunes.

A l’époque, auditionnés par nos soins à l’Assemblée, les syndicats de police nous confiaient : « Les Gilets jaunes, c’est une crise qui réclamait une réponse politique. On n’y a apporté qu’une réponse policière. »

Le même glissement s’opère aujourd’hui : à une crise profondément politique, le gouvernement, le président, n’apportent qu’une réponse policière.

A l’époque, la France, supposé « pays des droits de l’Homme », avait réussi un challenge, carton plein. Trois rapporteurs des Nations unies ont jugé que « le droit de manifester en France a été res­treint de manière disproportionnée lors des mani­festations récentes des Gilets jaunes » (14 février 2019).

La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, a recommandé (en vain) la « suspension » du lanceur de balles de défense (LBD), compte tenu du nombre élevé de blessés, déplorant notamment « un manque de clarté quant aux données relatives aux personnes blessées ».  Michelle Bachelet, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, a demandé « l’ouverture urgente d’une enquête sur tous les cas rapportés d’usage excessif de la force » (6 mars 2019). Ce sont des rapports, des notes, d’Amnesty interna­tional, de la Ligue des Droits de l’homme, de Reporters sans frontières, de l’Association des chré­tiens pour l’abolition de la torture, qui « protestent contre l’usage disproportionné du LBD » et « la stra­tégie de maintien de l’ordre ».

C’est la même voie que vous semblez suivre aujourd’hui.

L’avocat François Sureau, pourtant proche d’Emmanuel Macron, déclarait : « Cette “loi de la peur”, comme il y a eu une loi du “sacrilège” sous la Restauration, vise à prévenir en réalité le retour du sacrilège com­mis contre les institutions. Si l’on est attaché aux libertés, on ne peut pas l’admettre. » Puis : « C’est le citoyen qu’on intimide, et pas le délinquant. »

En son article 12, la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, de 1789, stipule : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. »

La « force publique » est aujourd’hui, manifestement, non « à l’avantage de tous », mais à l’utilité particulière de votre gouvernement, de votre Président.

Votre fragilité politique, vous la comblez, vous la masquez, par la brutalité.
Peut-être croyez-vous gagner, ainsi.
Mais vous y perdez, nous y perdons tous.
Mesurez-vous le mal que vous faites au pays, à la démocratie ?

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