Madame la ministre, en préparant l’examen de cette proposition de loi, je suis tombé sur un article de Capital, intitulé : « Économies massives en vue pour Sanofi, arrêt de la recherche dans le diabète ». Pourquoi ? « Sanofi annonce l’arrêt des activités de recherche dans le diabète. Sanofi se donne pour objectif d’augmenter d’environ 50 % son cash-flow ». L’objectif n’est donc plus industriel. Il est purement financier. Paul Hudson, le nouveau PDG déclare ailleurs qu’il ne voit plus d’avenir pour l’innovation dans le domaine du diabète et des maladies cardiovasculaires.
Depuis dix ans, Sanofi a supprimé un tiers de ses chercheurs dans le monde, et un tiers en France : 4 000 dans le monde, 2 000 en France. Cela pourrait se comprendre si l’entreprise rencontrait des difficultés. Mais, dans le même temps, en 2019, Sanofi a versé 3,8 milliards de dividendes à ses actionnaires ! J’ai fait le calcul : cela représente cinquante années de Téléthon. Cinquante années de Téléthon pour une année de dividendes aux actionnaires. Ce sont autant de milliards qui ne seront pas consacrés à la recherche sur les maladies orphelines, sur l’épilepsie, sur l’autisme, sur les maladies cardiovasculaires, sur le diabète.
La recherche est massacrée sur l’autel des actionnaires. Ceux-ci passent avant les patients, et en l’occurrence avant les diabétiques. D’ailleurs, ceux-ci ont organisé une protestation, il y a trois semaines, devant le siège de Sanofi.
On peut dire que l’insuline raconte une histoire du capitalisme, une histoire de la voracité. Il y a près d’un siècle, quatre chercheurs de Toronto, Mac Leod, Best, Banting et Collip, découvrent l’insuline. Grâce à elle, on ne meurt plus du diabète. Un siècle plus tard, ce produit est devenu une rente pour des labos, Novo, Eli Lilly et Sanofi, qui ne se font pas vraiment concurrence. C’est 70 euros la dose en France, et c’est la sécu qui paye, soit ; aux États-Unis, ou dans les pays du Sud, les pauvres n’accèdent toujours pas aux traitements et continuent d’en mourir – là-bas, Sanofi est dénoncé. Une telle situation est une trahison de l’œuvre des Quatre de Toronto.
Est-ce là un modèle à proposer aux Français ? Est-ce moral ? Est-ce un choix honorable ? Oui, je parle d’honneur, parce que j’ai découvert que, le 1er janvier dernier, Serge Weinberg avait été fait commandeur de la légion d’honneur. Comment peut-on expliquer que le dirigeant d’une entreprise comme celle-là, qui se comporte comme celle-là, qui met les profits avant la vie – comme l’histoire de la Dépakine comme celle du diabète le montrent – soit ainsi récompensé, décoré ? J’aimerais une explication.