Gaza : que pourrait faire la France ?

Résolution à l’Onu, échanges commerciaux, justice internationale, Jeux olympiques, Tour Eiffel… Gaza : que pourrait faire la France ?
Texte Gaza

Une vie vaut une vie. Les larmes d’une mère israélienne valent celles d’une mère palestinienne.

Voilà le principe, moral, mais aussi géopolitique, qui nous guide : pas de deux poids deux mesures. Pas de cécité dans l’humanité. Voilà pourquoi nous avons condamné, dès le samedi 7 octobre, sans ambiguïté, les actes terroristes du Hamas, et pourquoi nous avons marché contre l’antisémitisme à Strasbourg ce dimanche. Voilà pourquoi nous condamnons les bombardements de Gaza, que nous avons marché pour le cessez-le-feu immédiat, pour la paix, pour une Palestine libre et que nous marcherons à nouveau samedi.

Ce principe, pas de deux poids deux mesures, devrait guider, aussi, la voix de la France, la voix du président de la République. A la fois pour se faire entendre dans le monde, dans le monde tout entier, en Europe comme dans les pays du sud. Mais aussi pour la concorde nationale, pour que tous les Français, tous les habitants de notre pays, se sentent représentés, respectés, et non méprisés, relégués.

Or, on est loin de cet équilibre.

Dès le samedi 7 octobre alors que, dans les kibboutz, des horreurs étaient commises, des femmes et des enfants étaient tués à bout portant, d’autres pris en otage, le chef de l’Etat a condamné les attaques du Hamas. Cela allait de soi. 

Dans la foulée, la présidente de l’Assemblée Nationale apportait un « soutien inconditionnel à Israël ». Et Emmanuel Macron, assurait « Israël de notre solidarité sans faille et de notre soutien dans sa réponse légitime» . « Inconditionnel », « sans faille » , cela pose problème.

Désormais, depuis un mois, dans la bande de Gaza, les Palestiniens fuient par centaines de milliers du Nord au Sud. Des hôpitaux, des écoles sont bombardés. Plus de douze mille civils sont morts, des milliers d’enfants tués. Des bras, des jambes sont arrachés. S’y ajoutent la maladie, la faim, le manque d’eau, de carburant et d’électricité qui conduisent, d’après l’Onu, d’après les ONG, à une catastrophe humanitaire.

Et que fait la France ? Du zigzag.

Notre président a d’abord proposé, sorti de nulle part, que la force anti-Daesh se charge de combattre le Hamas ! Avant de se raviser, dès l’après-midi, devant le tollé.
Vint une initiative, timide. Après quatre semaines d’horreur, Emmanuel Macron a convoqué une « conférence humanitaire pour la population civile de Gaza ». Et il appelle à « œuvrer à un cessez-le-feu ». Au moins le mot était-il prononcé.
Sur la BBC, ce vendredi, il durcissait le ton : « De facto, aujourd’hui, des civils sont bombardés. Ces bébés, ces femmes, ces personnes âgées sont bombardées et tuées. » Et il invitait le gouvernement israélien à arrêter.
Avant de rétropédaler, dans un appel à son homologue israélien : on l’avait mal compris… Le chef de l’État a néanmoins « répété qu’il convenait dès maintenant d’ouvrir un horizon politique ».

Hier, une lettre de plusieurs diplomates français adressée au Quai d’Orsay, témoigne de ce malaise. Démarche inédite, révélée par Le Figaro, nos diplomates posent un constat d’entrée : la position de la France « est en rupture avec notre position traditionnellement équilibrée entre Israéliens et Palestiniens. » Ils s’inquiètent d’« une perte de crédibilité et d’influence de la France, et constate la mauvaise image de notre pays dans le monde arabe. » Puis ajoutent : « la défiance vis-à-vis de nous est profonde et risque d’être durable. Nos interlocuteurs trouvent que l’on se trahit nous-mêmes, ils estiment que notre discours basé sur l’humanisme est en contradiction avec notre nouvelle approche. Pour eux, la France avec sa parole alternative n’existe plus. » Alors, contre cette « défiance », pour retrouver « crédibilité », que pourrait faire la France ? Quelles pressions, voire quelles sanctions, Emmanuel Macron pourrait-il mettre sur les ultras qui dirigent à Tel Aviv ? Pour sortir de l’inertie ses partenaires européens, américains ?

Il ne s’agit pas, ici, de copier les trains de sanctions pris contre la Russie : fin des échanges commerciaux, gel des avoirs des ressortissants, etc.

En revanche, puisque le gouvernement israélien poursuit ses attaques, plusieurs mesures sont à envisager, non pas de façon unilatérale, mais à mettre en débat auprès de nos partenaires :

La France pourrait déposer une résolution, en son nom, devant la Conseil de Sécurité de l’Onu, réclamant un cessez-le-feu immédiat.

La France, qui accueille les Jeux olympiques l’an prochain, pourrait demander que les athlètes israéliens n’y concourent pas, ou alors sans hymne ni drapeau. Idem pour le football, Israël jouant ses matches de qualification en Europe. Même si, je l’avoue, que les sportifs paient pour les gouvernements ne me ravit pas.

La France pourrait demander à l’Union européenne de suspendre son accord d’association avec Israël, un tiers de son commerce s’effectuant avec notre continent. A commencer par la livraison d’armes. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), la France ne livre quasiment aucun matériel militaire au sens strict à Israël. Mais vingt millions d’euros par an de composants militaires. Mais 34 millions d’euros par an de biens dit à « double usage », civils et militaires.

La France pourrait appuyer les plaintes en cours, devant la Justice internationale, contre les dirigeants israéliens accusés de crimes de guerre.

Ces actions dépendent d’organisations internationales, et il n’est pas assuré (du tout) qu’elles aboutissent. Cependant, cela pourrait faire bouger Bruxelles, bouger Washington, qui feraient à leur tour bouger Tel-Aviv. Surtout, la France ferait ainsi entendre une voix de justice, une voix nécessaire dans le monde, et chez nous.
Que je dise le fond de ma pensée : cette voix ne va pas contre Israël. Au contraire : sortir l’Etat hébreu de la vengeance, de la puissance des armes, le ramener à la diplomatie, au dialogue, c’est la meilleure garantie pour la sécurité d’Israël. C’est la clé pour ne pas fabriquer des bombes de colère et de haine. Comme le dit le président de la République : « Seule une réponse aux aspirations des Palestiniens à disposer d’un État, vivant en paix aux côtés d’Israël, permettrait d’assurer une paix durable dans la région. »

Enfin, une mesure qui ne coûterait rien :

Après les attentats du Hamas, la tour Eiffel fut éclairée aux couleurs d’Israël, pour marquer notre solidarité. Fort bien. Pourquoi ne pas mettre, aujourd’hui, le drapeau palestinien ? Ou alors, côte à côte, les deux drapeaux ? Symbole de la paix entre les deux peuples que nous souhaitons pour demain, pour très vite.

Je rêve peut-être. Mais il me semble que cette simple image, flottant au cœur de Paris, et ailleurs peut-être aussi, il me semble que cette simple image apaiserait un peu notre pays. Et vu la folie qui, depuis un mois, s’est emparée des esprits, c’est une urgence : chercher toutes les voies de l’apaisement, tous les chemins de la fraternité.

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