Et maintenant ? Gouverner

La censure, bien sûr. Michel Barnier dehors, d’accord. Mais avec quel débouché ? Quelle issue à la crise proposer ? Voilà ce qu’attendent de nous les Français : un cap, même dans le brouillard.

Avec la dissolution, Emmanuel Macron prétendait « dégoupiller une grenade dans les pattes des partis. » C’est dans les pattes du pays, de la démocratie, qu’elle a explosé. Et nous continuons à en recevoir des éclats.

Nous traversons en effet un temps de tempête, mais sans équipage, sans capitaine à bord. L’inquiétude gagne les rangs, et à raison. Nous avons aujourd’hui un président faible, une Assemblée faible, une France faible, dans une Europe faible… alors que, face à la Russie, face aux Etats-Unis, face à la Chine, il nous faudrait une France forte pour entraîner une Europe forte. Alors que, pour rassurer les Français, dans les crises en cascade, il faudrait un Etat protecteur, stable.
Que faire, dès lors, dans un hémicycle sans majorité ?
En construire une.

Sur le fond, posons trois impératifs :

1. Recettes. C’est par là qu’on commence, pour former un budget, pour sortir de l’ère Macron – Le Maire et des déficits creusés à la pelleteuse. Pour rétablir de la justice fiscale, que les petits paient petits et que les gros paient gros. Que, a minima, le capital ne soit pas moins taxé que le travail. Des impôts, donc, sur les hyper-riches, sur les méga-patrimoines, sur les firmes géantes.

2. Retraites. L’abrogation des 64 ans : parce que c’est une réforme injuste, qui frappe les métiers physiques, populaires. Parce que, surtout, c’est une réforme anti-démocratique : prise contre huit salariés sur dix, contre tous les syndicats unis, contre une majorité à l’Assemblée. Il faut l’effacer : pour rétablir un début de confiance.

3. Les salaires. Avec cette évidence : les Français, tous les habitants, doivent vivre de leur travail, bien en vivre, et non pas en survivre. Relever les revenus par des négociations, par l’indexation a minima sur l’inflation (et aussi des pensions), par le rattrapage des trois années perdues (environ 7%).

Nous pourrions ajouter mille choses, mais bon : allons au plus urgent.

Voilà le minimum, nos trois priorités : avec qui les accepte, nous pouvons discuter. Nous ne disons pas « tout le programme, rien que le programme », pas les 640 mesures, mais juste ces trois-là. Qu’on fasse cela, déjà, dans l’année qui vient, et les Français nous en sauront gré : nous nous serons montrés utiles, concrètement utiles, au pays et à ses habitants.

De quoi affronter les prochains scrutins avec un bilan, pas plein, mais pas vide. De quoi rouvrir une espérance, et gagner. Gagner vraiment. Gagner pleinement. Avec une majorité, une vraie, qui nous donne les moyens de nos ambitions, de transformation pour la nation.

Alors, il y a, pour la gauche, à ouvrir la porte.
A l’ouvrir sans rechercher la pureté, la sainteté – mais dans la clarté.
A l’ouvrir sans faire le pari du pire, et que par miracle du pire sortirait le meilleur.
A l’ouvrir, et à voir qui franchit le seuil.

Maintenant, je vous dis mon inquiétude : la rigidité des macronistes, le granit du bloc centriste.

Eux sont passés de 308 députés en 2017 à 82 aujourd’hui. Rien que cette année, ils ont subi deux déculottées, une aux européennes, l’autre aux législatives. Ils ont creusé le déficit comme jamais. Voilà qui pourrait incliner à de l’humilité. Voilà qui mènerait tout parti à une autocritique, à une remise en cause. Mais pas eux, non. Eux prétendent mener la même politique, et avec la même arrogance.

Les 62 milliards d’impôts supprimés, Flat tax, Exit tax, ISF, etc. ? Ils en sont fiers, sans réflexion sur le gouffre budgétaire. Intouchables, leurs mesures fiscales sont classées au patrimoine de l’Unesco…

Et leur comportement, la semaine dernière, sur l’abrogation de la retraite Macron : l’obstruction, des centaines d’amendements, défendus avec morgue. Sans en rabattre. Sans lien avec leurs bérézinas dans les urnes. Comme s’ils disposaient d’une base politique, d’une base sociale, derrière eux. Comme s’ils n’étaient pas isolés, marginalisés, en perdition.

Ils ne sont pas raisonnables.

Ce fanatisme comporte, pour moi, une part de mystère. Comment l’expliquer ?
Hypothèse 1 : Ils sont tellement balayés qu’ils s’accrochent à ces miettes dérisoires, les seules traces qu’ils laisseront dans l’histoire.
Hypothèse 2 : L’ordre qui vient et qui règne d’en haut, depuis l’Elysée : ne rien lâcher.
Hypothèse 3 : Une arrogance de classe, la certitude d’avoir raison, même seuls, même très seuls.
Hypothèse 4 : Ils sont tellement habitués à diriger, quoi qu’il advienne, qu’ils continuent même en minorité, comme en 2005, après le 29 mai.
Ces hypothèses ne s’excluent pas : elles peuvent se cumuler.

La situation est bien sûr confuse, paradoxale : le bloc central s’est réduit, a nettement perdu. Et pourtant, c’est lui qui oriente l’Assemblée : que, comme avec Barnier, il se tourne vers la droite, voire l’extrême droite, et le gouvernement penchera par là. Que, à l’inverse, demain, il accorde sa chance à la gauche, par une non-censure, et voilà qui offrirait une issue, une stabilité, très provisoire. Voilà qui, peut-être, rouvrirait un espoir.

Au vu de leur intégrisme, il y a peu de chances d’y parvenir.
Tant pis.
Nous devons faire comme si.
Ouvrir la porte.

Penser un gouvernement, avec le Nouveau Front Populaire, non plus autour d’un nom, d’un prénom pour Matignon. Non pas une majorité « de projet », trop vaste, trop ample, pour le temps imparti. Mais juste autour de points-clés.
Et que, s’ils ne consentent pas, ce soit leur faute. Que nous ayons, nous, voulu construire, avancer, apporter des progrès, pour de vrai.

Et puis, ensuite, il nous faudra une rupture. Une rupture avec ces dirigeants qui, depuis quarante ans, vendent la France à la finance. Qui livrent nos industries, notre agriculture, notre économie aux vents mauvais de la mondialisation. Qui pour le train, l’électricité, l’école, la santé, ne pensent que concurrence, marché, compétitivité. Et que d’autres dirigeants viennent, pour le pays, qu’ils réparent la République, ses services publics, aux côtés des maires, des fonctionnaires, et non contre eux. Qu’ils ouvrent un chemin de tendresse, de joie, de fraternité, de protection, d’entraide, de stabilité, avec une France forte dans la tempête. Que nous ne regardions plus la pente du pire comme une fatalité.

Partager :
Pour me soutenir... faites un don !

Ils sont indispensables notamment pour payer des salariés et des locaux de travail, organiser des événements, acheter du matériel, imprimer des affiches, des tracts… Ils nous aident à financer mon action politique et celle de Picardie Debout !