Il y a, bien sûr, et on les a entendus à la télé pour ça, à la cérémonie des Molières, aux Victoires de la Musique, leurs imitations prodigieuses, stupéfiantes, les « meilleures du monde » dit-on, du goëland cendré, du merle noir, du rossignol philomèle. Et sur les plateaux de TF1 ou de C à vous, un peu en animaux de foire, on leur réclame « la mésange bleue », « l’étourneau » : Les chanteurs d’oiseaux se plient à l’exercice, nous ravissent avec leurs mélodies, leurs sifflements, et par la magie d’un son, un bosquet apparaît dans ces décors télés, truqués.
Je crains que leur talent, évident, n’éclipse leur récit. Je crains qu’on applaudisse les acteurs-chanteurs mais qu’on ne lise pas vraiment les auteurs.
Or, leur livre est beau.
Il est beau, cela va de soi, par la nature qu’ils racontent, par ces enfants tendus vers le ciel et qui se veulent oiseaux, et les oiseaux leur répondent, s’accordent à eux, avec une part de merveilleux.
Mais au-delà.
C’est une terre qu’ils racontent : la Baie de Somme, les chasseurs, les huttes, les marais, où cet art populaire, « imiter les oiseaux », prend racine, qu’ils vont élever, eux, au rang d’art tout court, le faisant passer des bistros du Vimeu aux théâtres parisiens, des bleus d’ouvriers, des bottes crottées, aux tailleurs et aux queues de pie.
C’est une histoire de classes, aussi, entre le fils du pharmacien et celui du berger, entre Monsieur-je-sais-tout et le modeste. Deux mondes qui vont s’opposer, d’abord, en compétition. Et il faut signaler, ici, saluer leur choix narratif : un chapitre « Goëland » pour Jean, un « Merle noir » pour Johnny, une écriture à quatre mains qui joue de ce contraste, de cette lutte des classes ornithologique. Et puis, finalement, avec un peu de lucidité, de bonne volonté, leur passion va les unir : ils iront plus loin, ensemble, ils feront de plus belles choses à deux. La complicité l’emporte.
C’est un récit sur les pères et les fils, également. Et c’est le plus beau personnage, peut-être, le père Rasse, présenté comme distant, taiseux, renfermé, aimant plus les oiseaux « que son propre fils », et qui aurait pu le rejeter, son « Johnny », différent, trop sensible, pas chasseur, mais qui, à l’inverse, va l’accompagner sur son chemin à lui, sur sa voix à part. Et le père se transforme au passage, il s’ouvre au monde avec son fils, il s’émancipe avec lui : c’est Eddy Bellegueule mais sans la casse familiale, c’est Edouard Louis avec plus d’harmonie.
C’est, enfin, un récit sur l’enfance, qui nous colle à la peau, qui ne nous abandonne jamais, que eux en tout cas n’ont pas abandonné : « Faites que vos rêves dévorent votre vie afin que votre vie ne dévore pas votre rêve », disait Emilie Jolie.
Il y a, dans ces pages, un parfum de Billy Elliott des campagnes.
Le livre est beau.
Le film sera magnifique : avis aux réalisateurs…