Je fais mon footing matinal, comme tous les week-ends, le long de la Somme, sur le chemin de halage, jusqu’aux marais. Là, je croise des pêcheurs qui s’installent :
« Alors, vous êtes écolo maintenant, Monsieur Ruffin ?
– Oui oui, enfin, je suis dans le groupe, mais je suis toujours Picardie debout !
– Parce que ici, moi je suis vice-président de la société de pêche, il n’y a plus de curage des rivières, des étangs, soi-disant pour la biodiversité. Pareil, on a les cormorans, on vient de mettre 3500 € de brochets, ils nous bouffent tout…
– Vous ne voulez pas prendre mon numéro ? Là, je n’ai pas de carnet, pas de stylo…
– Attendez, je fais venir notre président… Alain… Alain… Y a un monsieur pour toi. »
Le gars arrive, bottes, imper kaki, casquette, armé contre le froid de Picardie. On se salue.
« Je vous donne mon numéro, vous m’envoyez un SMS, et comme ça, j’aurai vos coordonnées… 06… »
Tandis qu’il note, je me penche sur son portable. En fond d’écran, sous les logos des applis, y a un mec souriant en costume. C’est lui ? C’est lui à son mariage ? Je le dévisage, rapide. Non, ça ne colle pas. Bon sang mais bien sûr, c’est Bardella ! Il a Bardella comme fond d’écran…
Je poursuis, comme si de rien.
« Vous viendrez à ma permanence, ou je passerai vous voir…
– Oui, et j’amènerai ma trésorière, parce qu’elle vous adore. »
Ca en dit long, à mon sens, cette petite anecdote. La popularité du Monsieur Gendre Parfait. La sociabilité du vote RN : société de pêche où, à coup sûr, « on ne fait pas de politique », mais où se diffuse une petite musique. Les points d’appui, fragiles, qu’il nous reste. Je les recevrai, évidemment, la bataille à mener, ne rien lâcher.