Aéroports : « Berner, tromper, filouter les Français »

Monsieur le Ministre, vous signez un contrat, un contrat social, un contrat moral, le lundi, et vous le déchirez le jeudi. Vous vous fichez des Français. Et je fais un effort pour rester poli.
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Monsieur le ministre,

Pour éviter d’être vulgaire, j’ai regardé dans le dictionnaire les synonymes :

Se payer la tête de quelqu’un
Se moquer
Se ficher
Narguer
Berner
Tromper
Abuser
Duper
Filouter
Leurrer
Trahir
Rouler dans la farine

Mais pour notre ordre du jour, ça paraît quand même trop mou trop doux.
Vous vous fichez des Français.
Et je reste fort poli.
Je fais un effort pour rester poli.

C’était lundi, au Grand Palais pour la grand-messe de votre grand débat. Franck Escoubes entamait ainsi sa restitution : « On voit émerger un premier consensus. » J’insiste : votre restituteur nous parle d’un consensus, et il le place en premier. Quel est-il ?

« On voit émerger un premier consensus » autour de l’idée d’un Etat qui est acteur de l’économie, qui est rappelé aux commandes, avec la proposition de renationaliser les services essentiels et les infrastructures publiques. »

C’était il y a trois jours, donc. Une vraie cérémonie. La moitié des ministres étaient présent, alignés en rang d’oignons, la mine grave, l’air recueilli. Car l’heure était solennelle. On allait enfin comprendre ce peuple mystérieux. Vos garants ouvraient le ventre des « contributions numériques », tout comme les prêtres, chez les Romains, le faisaient avec leurs oies : les dieux ont parlé, annonçaient les augures. « Le peuple a parlé », nous annoncent vos garants. Et quel message délivre ses entrailles ?

Je répète.
Il faut répéter pour que ça rentre dans vos têtes.

« On voit émerger un premier consensus autour de l’idée d’un Etat qui est acteur de l’économie, qui est rappelé aux commandes, avec la proposition de renationaliser les services essentiels et les infrastructures publiques. »

Pour ce « grand débat national », vous avez dépensé douze millions d’euros, trois fois plus que les quatre millions prévus au début.
Des voix se sont élevées : « Pour la Justice, pour les hôpitaux, pour l’Education, il faut serrer les budgets, surveiller les déficits, mais pour vos caprices, c’est crédit illimité. » A ces tristes sires, vous avez répondu : « C’est le prix de la démocratie! »
Alors, que vient dire cette démocratie ?

« Renationaliser les services essentiels et les infrastructures publiques. »

Le Premier ministre lui-même a fait des salamalecs, au Grand palais lundi, ici même, à ma place, le mardi, au Sénat hier mercredi, pour nous expliquer combien les Français s’étaient mobilisés, combien ils avaient fait preuve d’écoute, de maturité, de sagesse, un formidable exercice de démocratie, disait-il, et que les Gilets jaunes, ces malpolis, ces braillards, ces débraillés, feraient mieux d’en prendre de la graine, et que nous-mêmes, dans cette Assemblée, nous n’étions pas à la hauteur de notre peuple, de son écoute, de sa maturité, de sa sagesse.
Mais alors, qu’a-t-il dit, ces Français, dans leur grande sagesse ?

Je répète, je répète, je répète :

« Renationaliser les services essentiels et les infrastructures publiques. »

Et au lendemain de ce cérémonial, quelle est votre première mesure post-grand débat ?
Tout le contraire.
L’exact inverse de ce « premier consensus ».
Ce matin, nous sommes réunis pour quoi ?

Pour vendre, dé-fi-ni-ti-vement, Aéroports de Paris ! Pour solder Roissy ! Pour brader Orly ! Pour privatiser une frontière ! Vous allez, dans la foulée, liquider Engie ! Ces « services essentiels », ces « infrastructures publiques », vous les livrez aux copains et aux coquins. Les Français vous disent « blanc blanc blanc », et aussitôt vous faites « noir ».

Le lundi, vous nous dites, la main sur le coeur, les yeux embués, « plus rien ne sera comme avant », et le jeudi vous continuez, vous continuez à gouverner, seul. Seul contre tous.

Seul contre tous, car des voix, de partout, vous alertent depuis des mois.
Je vous ai entendu, ce matin, Monsieur le ministre, parler d’économie, de stratégie. Mais on est au-delà.

Au-delà de l’économie.
Au-delà de la stratégie.
C’est une question de démocratie.
La droite est contre.
La gauche est contre.
Le Sénat est contre.
Les syndicats sont contre.
Les Français Gilets jaunes sont contre.
Les Français du grand débat sont contre.
Les Français des sondages sont contre.
Mais voilà, le Prince et sa cour, sa cour de ministres, sa cour de députés, le prince et sa cour sont pour.
Le Prince et sa cour sont pour, sont pour que l’intérêt des multinationales l’emporte sur l’intérêt général.

C’est le despotisme qui se poursuit.
C’est le despotisme tel que le définit Montesquieu: « ce régime où un seul entraîne tout par sa volonté et par ses caprices. »

Ce régime où un seul peut signer un contrat, un contrat social, un contrat moral, le lundi, et le bafouer d’emblée, dès le jeudi, le déchirer, s’asseoir dessus, vous asseoir sur la voix des Français – pour mieux l’étouffer.

Mais cette voix reviendra, décuplée.

Décuplée d’avoir été bernés, trompés, abusés, dupés, filoutés, roulés dans la farine.

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