Ukraine : une offensive pour la paix ?

Je m’aventure en géopolitique avec prudence. Néanmoins, en Ukraine, le moment me paraît venu de tout faire pour en revenir à des pourparlers. Et à la paix. Avec cette question, d’abord, à poser, à penser : quels sont nos buts de guerre ?

Se déroulait la semaine dernière « le Forum de Paris pour la paix ». Emmanuel Macron y recevait des dirigeants de pays du sud, unanimes semble-t-il : « Eux ont appelé – je cite le Figaro – à des ‘négociations’ pour mettre fin à la guerre en Ukraine dont le monde entier subit les conséquences. ‘Cette guerre déclenche la famine’ dans ‘l’hémisphère Sud’ et n’est donc ‘pas une guerre des pays du Nord’, c’est ‘aussi une guerre des pays du Sud’, a affirmé le président argentin Alberto Fernandez lors d’un débat autour du chef de l’État français. Il a réclamé l’ouverture d’une ‘négociation pour arriver à la paix’, assurant que l’Amérique latine serait aussi ‘assise autour de la table’‘L’éthique nous impose de réclamer la paix’, a-t-il insisté. »

Quant au président de la Guinée Bissau, qui préside actuellement la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, il a déclarait : « J’ai l’impression que s’il y avait un dialogue sérieux, la guerre pourrait se terminer très rapidement. » Lui est revenu sur sa rencontre à Moscou avec Vladimir Poutine fin octobre. Selon lui, le président russe lui a dit de donner « une grande accolade » à son « frère Macron », et le président russe lui aurait dit que « Macron était important pour terminer la guerre ». À Kiev, dans la foulée, le dirigeant de la Cédéao a rencontré le président ukrainien Volodymyr Zelensky. « J’ai dit à Zelensky ‘il faut que tu parles avec Poutine’.»

La veille, le général américain Mark Milley avait estimé les pertes russes à 100 000 hommes, morts et blessés. Et idem côté ukrainien. Surtout, il a tenu ces propos : « Il doit y avoir une reconnaissance mutuelle que la victoire militaire n’est probablement pas, au sens propre du terme, réalisable par des moyens militaires, et qu’il faut donc se tourner vers d’autres moyens. » Selon lui, il existe « une fenêtre d’opportunité pour la négociation ».

Les troupes russes se sont retirées de Kherson, ont abandonné la rive droite du Dniepr. Et je lis dans la presse que le général Hiver pourrait geler le conflit. Si trêve il y a, nous – nous Français, nous Européens – nous devons pousser les deux parties vers la table de négociations. Sans oublier qui est l’agresseur, qui est l’agressé, qui a violé la charte des Nations Unies, qui a – comme toutes les armées d’occupation – multiplié les destructions, les crimes de guerre, sans rien oublier de cela, nous devons inciter à un compromis. A un cessez-le-feu, puis à une paix.

Par « éthique », comme dit le président argentin. Mais également par intérêt : nos peuples souffrent, comme en rebond, comme un boomerang, des sanctions que nous avons-nous-mêmes imposées sur les importations de pétrole et de gaz russes. L’inflation galope, en particulier pour les classes populaires. Les gouvernements alignent des chèques de centaines de milliards d’euros (tandis qu’ils serrent la vis pour économiser des millions). D’après la Commission européenne, nos états vont entrer en récession. Et sur le plan écologique, également, ce conflit conduit à la régression : réouvertures de centrales à charbon, importations de gaz de schiste, terminaux méthaniers… Et qui gagnerait à une nouvelle escalade, possiblement nucléaire ?

Tout doit être fait, donc, pour œuvrer à la désescalade. Pour parvenir à la paix.

Par quel chemin ?

Je suggère : que l’on énonce les buts de guerre. Que souhaite Kiev ? Récupérer tous les territoires envahis par la Russie cette année ? Le Donbass avec ? Jusqu’à la Crimée ? Quel est, désormais, son but de guerre ?
Et nous, les « occidentaux », ou les Européens, ou la France, nous qui livrons des armes à l’Ukraine : maintenant que cette aide militaire, en appui à la volonté d’un peuple, a permis d’arrêter l’armée russe, l’a empêché d’atteindre la capitale, a stabilisé le front, avant une contre-offensive, notre but de guerre se confond-il avec l’objectif ukrainien ? Jusqu’où sommes-nous prêts à soutenir, à accompagner ?

La Crimée, notamment, me paraît avoir un statut à part. certes, en droit international, elle appartient à l’Ukraine. Mais elle n’a pas été conquise militairement. Son histoire la rattache largement à la Russie. Les populations sur place semblent avoir fait le choix de Moscou. Et l’on pourrait imaginer un référendum d’autodétermination, sous surveillance de la communauté internationale, pour que les habitants choisissent.

Et pour celles, pour ceux qui souhaitent « punir la Russie » : elle est déjà punie, elle s’est déjà punie. Pas seulement par ses revers militaires, mais diplomatiques, politiques, aussi : Poutine voulait ramener l’Ukraine dans le giron russe : au contraire, il a servi de repoussoir, et Kiev se tourne vers l’ouest plus que jamais. Poutine voulait bloquer l’Otan : au contraire, la Finlande et la Suède viennent d’y demander leur entrée. Poutine voulait montrer sa force : il a démontré sa faiblesse.

Maintenant : qui peut pousser à ces négociations ?

Manifestement, des planètes sont alignées. Le président Macron n’a jamais coupé le fil du dialogue, et la France pourrait jouer un rôle dans cette médiation. Mais pas seule. Les pays du Sud la réclament. La Turquie, bien que membre de l’Otan, a maintenu un lien avec Moscou et Kiev à la fois (qui a permis de rouvrir les ports pour les céréales). A lire les propos du général Mark Milley, les Etats-Unis eux-mêmes n’auraient pas le désir d’aller jusqu’au bout, ne chercheraient pas à mettre Vladimir Poutine à genoux.

A nous, chacun à notre place, citoyennes, citoyens, élues, élus, de tout faire pour que « la fenêtre d’opportunité pour la négociation » soit ouverte, pour qu’on s’y glisse. Pour que notre pays, pour que l’Europe si possible, jouent un rôle actif vers la paix sur notre propre continent. Pour que les millions de déplacés, de réfugiés, qui vont encore errer, cet hiver, mordus par la faim et par un froid glaçant, pour qu’ils retrouvent un chez-soi paisible.

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