RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ
Monsieur François Ruffin
Député de la Somme
Emmanuel Macron,
président de la République
Jean-Noël Barrot,
ministre de l’Europe et des Affaires étrangères
à Paris, le 23 juin 2025
Objet : Demande de déclassification des documents concernant le nucléaire iranien
Monsieur le président de la République,
Monsieur le ministre des Affaires étrangères,
Dans la crise en cours au Moyen-Orient, la transparence est nécessaire : nous vous demandons de déclassifier les documents concernant le nucléaire iranien. Pour que tous les Français sachent si, oui ou non, d’après nos services de renseignements, le régime de Téhéran était réellement en voie d’acquérir l’arme atomique.
À la veille de l’agression russe contre l’Ukraine, les États-Unis ont pris cette décision stratégique : déclassifier une large partie de leurs analyses de renseignement, les partager avec leurs alliés — notamment européens — et en diffuser les éléments clés dans les médias.
L’objectif était clair : priver Moscou de l’effet de surprise et tenter de dissuader une invasion.
La France, elle aussi, a déjà eu recours à cet outil de transparence stratégique, notamment en 2018 lors de l’opération Hamilton menée contre le programme chimique syrien clandestin. Une évaluation nationale, fondée sur des renseignements déclassifiés issus de sources françaises, avait alors été rendue publique.
Aujourd’hui, la confrontation entre Israël et l’Iran atteint un niveau inédit avec les frappes américaines sur des sites nucléaires. En France, comme en Europe, nous devons pouvoir nourrir le débat public sur des bases solides, factuelles et crédibles.
Les campagnes de désinformation se multiplient, sans doute à une ampleur inédite depuis les mensonges et les erreurs de 2003 en Irak. Dans ce contexte, nos démocraties ne peuvent se permettre l’aveuglement.
Les intérêts stratégiques de la France et de l’Europe sont directement concernés. Il faut enrayer la fabrique du consentement du recours à la force, empêcher le suivisme des Européens, qui nuit très directement à nos intérêts : le droit, le droit international doit l’emporter.
Ce que nous voyons, c’est une décision unilatérale israélienne de recourir à la force au moment où les Iraniens et les Américains avaient repris les négociations. Une nouvelle offensive s’inscrivant dans la logique guerrière adoptée par Israël depuis un an, visant aussi à détourner l’attention internationale de ce qui se passe à Gaza.
Face à ces manœuvres, la France doit agir pour revenir à une gestion diplomatique du dossier nucléaire iranien, la seule voie possible pour ne pas plonger la région dans davantage de chaos.
La légitime défense anticipée invoquée par Israël constitue une lecture controversée du droit international. Elle repose sur l’idée d’un danger imminent, ce qui ne semble pas démontré dans le cas iranien. Le recours unilatéral à la force, sans saisine du Conseil de sécurité des Nations unies, et l’attaque contre un État signataire du TNP fragilisent durablement les régimes juridiques internationaux. Le fossé avec nos partenaires non-occidentaux est béant.
C’est pourquoi nous demandons que les services compétents de l’État puissent produire et rendre publique une évaluation nationale sur le programme nucléaire — et, le cas échéant, balistique — iranien, alors que des discussions bilatérales étaient encore en cours ces dernières semaines entre Américains et Iraniens.
Pour mémoire, en mars dernier, la directrice du renseignement national américain a déclaré devant le Sénat des États-Unis que « la communauté du renseignement continue d’estimer que l’Iran ne construit pas d’arme nucléaire et que le Guide suprême Khamenei n’a pas autorisé la reprise du programme nucléaire militaire qu’il avait suspendu en 2003. »
À défaut — et au vu de l’urgence — les chefs de partis politiques et les groupes parlementaires devraient être, sans délai, informés de manière confidentielle par les services compétents de la situation actuelle et des éléments ayant conduit à l’escalade déclenchée par le gouvernement israélien.
Avec mes sentiments républicains,
François Ruffin.