François Ruffin interpelle Monsieur le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, sur l’entreprise Comatelec, numéro du luminaire de ville en France : les délocalisations, c’est permis après les élections ?
« Notre directeur a été reçu à Bercy, la seule chose qu’on lui a dit, c’est : ‘Ne faites pas de bruit avant les élections.’ C’était ce printemps, avant le confinement…
– Mais vous, le ministère vous a reçus ?
– Non, jamais. Alors que notre entreprise vit quand même de la commande publique. On a fait la place Vendôme, le viaduc de Millau, les quais de Bordeaux… »
Jeudi dernier, je me trouvais devant Comatelec, dans le Cher, le numéro 1 du « luminaire de ville », des lampadaires nouvelle génération, avec des Led, « intelligents », qui s’allument et qui s’éteignent selon les passants. Ici, 101 postes sont supprimés, sur 128. Ne resterait qu’un peu de maintenance, de logistique, d’assemblage, et pour combien de temps ?
« Notre production est partie en Espagne, au Portugal, en Ukraine. On nous dit ‘compétitivité’. Alors que, quand même, notre site a fait 10 millions de bénéfices sur 90 millions de chiffre d’affaires… »
Des ouvriers d’à côté, des fours Rosières, à Lunery, nous rejoignent au petit-déj, sous le barnum installé par les Fakiriens, avec café et viennoiseries :
« Dans notre usine, on fabrique le Trio, un combiné four-lave-vaisselle, plaque de cuisson. Ils nous ont retirés le Duo, qui est parti en Turquie. Là, même le Trio, ils veulent l’arrêter, avec la suppression de 72 postes…
– Et votre groupe est déficitaire ?
– Non, pas du tout ! C’est le géant chinois Haier. Dans les années 70, on est montés jusqu’à 1 400 emplois, chez nous. Après ça, il va en rester moins de cent…
– C’est lié au Covid ?
– Absolument pas, c’était déjà prévu d’avant. »
Ce printemps, le jeudi 13 mars exactement, le président de la République déclarait : « Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai. »
Et depuis, vous en avez fait votre credo : « re-lo-ca-li-ser ».
Voilà pour la publicité.
Mais derrière, en vérité, la délocalisation de notre industrie continue : chez Bridgestone, « révoltant », avez-vous dit, car trop voyant. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg : combien de Comatelec, de Rosières, que votre ministère ne reçoit même pas ? A qui vous ne demandez qu’une chose : que ça ne fasse pas de bruit ? Ou à qui, comme aux Luxfer, vous répondez juste : « Qu’est-ce que vous voulez ? Un actionnaire, c’est comme un enfant : quand il a décidé de casser son jouet, on ne peut pas l’en empêcher » ?
Aussi, recevrez-vous les salariés de Comatelec à Bercy ? Serez-vous prêts à boycotter ce groupe pour la commande publique ? Bref, prendrez-vous des « décisions de rupture » ?