Dans son discours de politique générale, le Premier Ministre s’est montré volontariste : « Il n’y aura aucune tolérance à l’égard des violences faites aux femmes, et l’actualité effroyable nous le rappelle. »
Soit : mais qu’advient-il aux associations à qui l’Etat délègue l’accueil, l’écoute, l’accompagnement des victimes ? En charge de faire reculer ces violences faites aux femmes ?
Les administrateurs du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) de la Somme font face à ce qu’ils appellent un « paradoxe ». Les salariés de l’association ont désormais droit à l’augmentation Ségur, comme tous les métiers du médico-social. 183 euros par mois « amplement mérités » pour ces salariés aux missions essentielles : accueil et écoute de victimes de violences, conseils juridiques, insertion, formation, prévention santé… Le coût direct est de 35 000 € en année pleine. Mais il se double d’un coût indirect : la hausse des salaires conduit à une baisse des allègements (Fillon, etc.), concentrés comme on le sait sur les bas salaires : 35 000 €. Soit, au total, 70 000 euros de masse salariale supplémentaire.
Or, pire : les « recettes » n’augmentent pas, elles baissent ! « Cette année, la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE) a réduit fortement ses subventions. On nous verse 70 000 euros de moins. Sur un budget de 520 000, ça commence à faire beaucoup. Les 4/5e de notre budget, ce sont les salaires. Le reste, c’est du fonctionnement incompressible : loyers, charges… »
D’où, d’ores et déjà, une équipe qui se réduit : « Nous avions un quatrième juriste, il est parti à la fin de son CDD. Et nous avons des interrogations sur un autre juriste en CDD, qui arrive à échéance en novembre : est-ce qu’il va rester ? Parce que la précarité, l’incertitude, la charge de travail, s’ajoutent à une charge mentale importante : on entend des récits atroces tous les jours, de viols, de brutalités. Très concrètement, les permanences à Abbeville et Péronne sont passées de cinq jours à trois jours. On réduit aussi les déplacements en secteur rural, pour baisser les coûts. Alors que, au contraire, il faudrait aller encore plus vers les gens, sur le terrain, dans les villages. »
La situation du CIDFF 80 n’est pas isolée. Dans la Marne, le CIDFF est placé en « redressement judiciaire » (L’Union, 7 octobre 2024). Dans les Vosges, la directrice évoque « des craintes pour le budget 2024 et 2025 » (Vosges matin, 22 mai 2024). En Bretagne, « le réseau des CIDFF, comme d’autres associations d’aide aux victimes, sonne l’alerte, sur l’état de leurs finances » (Ouest France, 12 septembre 2024), etc.
Seul 1% des viols sont aujourd’hui condamnés.
Les CIDFF, sentinelles des droits des femmes, devraient être renforcés. A l’inverse, voilà qu’on les affaiblit. Voilà que la « tolérance » de la société à l’égard des violences faites aux femmes va encore augmenter.
Alors, Monsieur le Ministre : que comptez-vous faire pour, a minima, compenser les coûts (directs et indirects) de la prime Ségur ?