« Ce que révèle cette pandémie », c’est avant tout leur connerie

Qui l’ignorait, franchement, que « la santé » est un « bien précieux » ? Lui et son « élite » d’énarques, ses obsédés des « déficits », technocrates, Inspecteur des finances qui ont jivarisé la politique ? « Ce que révèle cette pandémie », c’est avant tout leur connerie.

« Et la santé, surtout. »

Quand j’étais petit garçon, c’était encore la tradition : on faisait en début d’année, de ferme en ferme, de grands-oncles en cousins lointains, la tournée des étrennes. Un froid glacé s’engouffrait dans le couloir, et tandis qu’on ôtait nos cache-cols, une grand-tante nous serrait dans ses bras, claquait une bise poilue sur notre joue, et glissait une pièce entre nos doigts : « Tu t’achèteras un chuc », nous chuchotait-elle à l’oreille. Ma mère avait repéré le manège, et s’exclamait, battant des bras : « Fallait pas ! Fallait pas ! Oh, ils sont gâtés pourris ! » On reprenait en écho, « fallait pas ! », mais au fond ces 10 francs nous dédommageaient d’heures ennuyeuses, fastidieuses, au coin du poêle, autour d’une toile cirée, à prendre des nouvelles de marraines inconnues, d’aïeux jamais vus, et aussi des lopins revendus. Avec les « meilleurs voeux » à la queue-leu-leu, et ce refrain, rebattu : « Et la santé surtout, parce que quand on a la santé, tout va. » On s’en moquait, avec ma soeur, on les imitait en sortant, fredonnant : « Et la santé surtout ! Parce que quand on a la santé, tout va ! », nous qui l’avions, la santé. Mais dans sa banalité, ce bon sens disait tout : oui, la santé surtout…

Cela entraîne, à l’évidence : la santé comme priorité, et sans compter. Sans que l’Etat ne compte.

Je ne vais pas refaire, ici, un débat sur la fiscalité. M’enfin, tout de même, des évidences, des offenses au bon sens : cet automne, « pour des mesures d’urgence », dites Gilets jaunes, 4,7 milliards d’euros furent prélevés sur la Sécu, des « mesures d’urgence » non pour les urgences, mais « pour le pouvoir d’achat ».

C’était un extra. Qui s’ajoutait aux vingt milliards du Crédit Impôt Compétitivité Emploi, aux trois milliards de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune, à l’« exit tax », à la « flat tax », tous ces « allègements » pour les « investisseurs ». Et en plein dans notre sujet : le Crédit Impôt Recherche, 6 milliards par an, deux fois le budget du CNRS ! Des sommes qui ne vont pas aux chercheurs, mais aux magouilleurs. Un « hold-up », comme le dénonce le Professeur Canard. Avec son équipe, depuis près de vingt ans, cet infectiologue effectue des recherches sur les Coronavirus, et il peine, il remplit des dossiers, il galère en précarité, avec des postes perdus, des congés maladie non remplacés, idem pour les congés maternité, une démission navrée. Tandis qu’Elise, elle, vend des « produits de défiscalisation » : « J’explique aux PDG comment frauder, m’avait-elle éclairé, comment retranscrire toute leur activité en Recherche et Développement. On tire sur cette vache à lait, pour faire du détournement. Souvent, les clients doutent de pouvoir en bénéficier, mais nous une laborantine, une secrétaire, un VRP, on te passe tout ça en R et D. Les SSII, les sociétés de service en informatique – ce sont des marchands de viande – ils embauchent un cheptel de cent mecs en CIR, tout est subventionné. Il suffit de marquer ‘chercheur’. »

Tout ça pour dire : faut pas nous embêter avec les budgets. De l’argent, il y en a : la santé comme priorité, sans que l’Etat compte.

Mais sans, surtout, que les gens n’aient à compter. Et donc, pour tous : une couverture à 100 %. Sans qu’un tiers des Français, les plus pauvres évidemment, ne renoncent à des soins. Sans que la Sécu ne ressemble à un gruyère, avec plus de trous que de fromage : hausse du forfait hospitalier, dépassements d’honoraires autorisés, déremboursements de médicaments… Qu’est-ce qui est pris en charge ? Qu’est-ce qui ne l’est plus ? Qui le comprend encore ? Pas moi, en tout cas.

Et les vautours bien sûr en embuscade.

Claude Bébéar, le patron d’Axa, en rêvait il y a vingt ans déjà, et ne faisait pas qu’en rêver : « Il peut y avoir une Sécurité sociale publique, et à côté des Sécurités sociales privées. » A la tête du premier assureur en Europe, le « parrain du capitalisme français » a les moyens de convaincre, doucement, gentiment les dirigeants. En 2000, le voilà qui fonde l’Institut Montaigne, un « think tank » bien sûr « indépendant » – c’est-à-dire financé par Areva, Axa, Allianz, BNP Paribas, Bolloré, Bouygues, Dassault, Pfizer, etc. Aux côtés des banquiers et des PDG, s’y retrouvent des économistes médiatiques et des journalistes dominants… De quoi faire passer ses « idées » dans le tout-Paris, avec des invitations sur France Inter, LCI. De quoi les faire passer, surtout, pour des idées « indépendantes » – et non pour des intérêts déguisés. Et qu’on devine son cheval de bataille ? « Réinventer l’assurance maladie »…

« Il faut une génération pour changer un système de santé » notait, philosophe, Henri de Castries – le successeur de Claude Bébéar à la tête d’Axa. Lentement, doucement, bout par bout, ils y parvenaient.

C’est ce chemin qu’il nous faut stopper net.

« Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. »

Ni « je » ni « nous », dans cette longue phrase, et l’on devine le pourquoi de cette énonciation impersonnelle : Emmanuel Macron veut effacer son aveuglement, sa volontaire cécité, et en vérité, sa responsabilité. Discrètement, il fait passer son cas personnel pour de l’universel : « Ce que révèle cette pandémie », comme si nous avions besoin, nous, d’une « révélation » ! Comme si notre conscience s’était ouverte avec lui !

Qui l’ignorait, franchement, que « la santé » est un « bien précieux » ? Qui ne le voyait pas, à part lui et les siens, des billets devant les yeux, une Golden Card sur le coeur ? Lui et son « élite » d’énarques, ses obsédés des « déficits », technocrates, Inspecteur des finances, experts comptables qui ont jivarisé la politique ? Les Français l’ont toujours su, ne l’ont jamais oubliée, cette banalité : « Et la santé, surtout. »

« Ce que révèle cette pandémie », c’est avant tout leur connerie.

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