La rénovation urbaine contre les habitants ?

Des fonctionnaires, fussent-ils des experts, peuvent-ils avoir raison seuls contre les locataires, contre les élus locaux, contre les bailleurs ? Peuvent-ils juger, de loin, depuis Paris, sur des généralités statistiques, sur des dogmes urbanistiques, des bonnes décisions à prendre pour une ville, pour un quartier, qu'ils connaissent peu ou pas ?

François Ruffin interpelle Julien Denormandie, Ministre de la Ville et du Logement : la rénovation urbaine doit-elle se faire sans les habitants, voire contre les habitants ?

Je me suis récemment déplacé dans le quartier Etouvie à Amiens. Il s’agit d’un quartier de grands ensembles, construit loin du centre ville, à une époque où il fallait loger vite sans forcément loger bien. Ces bâtiments font aujourd’hui l’objet d’un programme de rénovation urbaine, piloté par l’ANRU.

Qui prévoit la démolition de trois immeubles, c’est-à-dire 232 logements.

Depuis plus de cinq ans qu’ils participent à la « concertation », l’Amicale des locataires, le Comité de Quartier, le Centre Social et Culturel et le café associatif Café-touvie s’opposent à ces destructions massives. Ils ont consulté les habitants des trois immeubles, et les chiffres sont sans appel : 99%, 91% et 58% des locataires concernés rejettent le projet.

Ils ont alors travaillé à un projet alternatif, comprenant moins de démolitions, mettant le paquet sur la réhabilitation énergétique des bâtiments. Ce projet, écrit par les habitants, a été validé par la Ville d’Amiens et par le principal bailleur social du quartier, la Sip. Et pourtant, l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine a refusé ce contre-projet ! Au prétexte qu’il ne comprenait pas assez de démolitions !

Face à ce déni de leur parole, les acteurs du quartier ont symboliquement présenté au public, sous forme théâtrale, une proposition de loi : « Interdire la démolition de logements sociaux sans l’accord de la majorité des locataires concernés, sauf en cas de danger pour la santé et la sécurité des occupants et sauf utilité publique argumentée et soumise à débat public. »

Car c’est bien une question de démocratie qui se pose, de la démocratie du logement : des fonctionnaires, fussent-ils des experts, peuvent-ils avoir raison seuls contre les locataires, contre les élus locaux, contre les bailleurs ? Peuvent-ils juger, de loin, depuis Paris, sur des généralités statistiques, sur des dogmes urbanistiques, des bonnes décisions à prendre pour une ville, pour un quartier, qu’ils connaissent peu ou pas ?

C’est vrai pour Etouvie à Amiens, mais cela vaut pour bien d’autres cités : détruire le bâti ne résout pas les problèmes sociaux. Déplacer des gens ne les rend pas moins pauvres.

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