Lysine : la France doit-elle dépendre entièrement de la Chine ?

François Ruffin interpelle le ministre de l’industrie : la France, et l’Europe, doivent-elles devenir entièrement dépendantes de la Chine sur la lysine ?

« Le site Eurolysine d’Amiens est le seul, depuis 1976, à produire de la lysine pour toute l’Europe. » A l’occasion d’un conflit social, nous avons rencontré, à l’usine Metex d’Amiens, le directeur général du site. M. David Demeestere nous a alertés sur la perte complète de notre souveraineté sur une molécule utile : « Cet acide aminé est utilisé dans la pharmacie, pour l’Aspégic par exemple, mais surtout pour la nourriture animale : les porcs, les volailles. A partir de 2015, la Chine a augmenté ses capacités de façon colossale, pour moins dépendre du soja américain. Et leurs énormes surplus, ils les écoulent ailleurs, notamment ici. D’autant que, jusqu’alors, l’Europe avait 6% de droits de douane sur la lysine, mais en 2021, on les a supprimés, 0%. Aujourd’hui, en Europe, 85% du marché est désormais couvert par les importations chinoises. »

Jusqu’alors, l’usine appartenait au groupe japonais Ajinomoto. « Ils ne voulaient plus de ce site : manque de compétitivité. C’était soit on fermait, sont on trouvait un repreneur. On a trouvé Metex, une start-up qui travaille sur les souches, qui a une vraie stratégie industrielle. Pour aller vers la cosmétique, le bio-sourcé, fabriquer des anti-rides. Dans le calendrier, ce développement, ça doit arriver en 2025-2026. D’ici là, il faut tenir avec la lysine. »

Avec un gros souci dans le « business plan » :

« Depuis la guerre en Ukraine, avec la hausse du prix de l’énergie, des matières premières, du sucre notamment, ça nous met dedans. Nous avons doublé nos coûts de production, nous sommes passés à 2,80 € du kilo. Le prix de vente des Chinois, c’est 1,50 €…

Le déséquilibre, avec la Chine, c’est que nous, on paie le sucre au prix mondial. Même si tout est produit ici, en Picardie, et on en consomme, rien que notre usine, 5% de la production française… C’est passé, en un an, de 400 € la tonne à plus de 1 000 €. Tandis qu’en Chine, ils ont des prix en partie administrés.

Et surtout, on ne tient pas compte de la pollution. Nous, ici, notre empreinte carbone, c’est cinq fois moins que les produits chinois. On économise 700 000 tonnes de carbone en produisant encore de la lysine ici… Donc on voudrait bien de l’Ajustement carbone aux frontières, mais la chimie n’est pas comprise dedans. »

Du coup, la direction se rabat sur un « coût fixe » qu’elle maîtrise : les salariés. « On veut économiser deux millions d’euros sur l’intérim l’été… »

Plus un emprunt :

« On a dû monter une procédure de conciliation, et nos partenaires, les banques, l’Etat, la BPI nous ont suivis. On a obtenu 73 millions. »

Monsieur le ministre, vous avez une responsabilité : la lysine est-elle une molécule importante ou non ? Pouvons-nous devenir 100% dépendant des importations chinoises ? Le coût écologique ne doit-il pas être intégré à l’équation ? Et autres questions : sur la betterave, comme sur l’électricité, sur des productions et des consommations nationales, doit-on s’attacher aux prix d’un marché mondial, financiarisé, spéculatif, délirant ? La Chine, en l’occurrence, ne fait-elle pas preuve d’un peu de bon sens, à imiter ?

Bref, nous vous demandons de protéger la seule usine de lysine sur notre continent. Et la planète. Et ses salariés. Et notre conviction, profonde, ancrée : tant que régneront « libre circulation des marchandises » et « concurrence libre et complètement faussée », la ré-industrialisation, la relocalisation de notre industrie, ne seront que des leurres.

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