« Depuis septembre, nous avons lancé 209 informations préoccupantes et effectué 182 signalements au procureur. C’est autant que sur toute une année normale, sur toute une année normale… »
« Nous », c’est Guillemette Quiquempois, du syndicat des Assistantes sociales de l’Education nationale, et ses 23 collègues de la Somme. Qui « couvrent », à 24 donc, les 50 collèges et les 32 lycées de la Somme. Et avec seulement trois « conseillers techniques », par téléphone, pour les 499 écoles publiques du Département.
Guillemette m’a alerté hier, elle-même alarmée par ces chiffres : « Dépressions, décrochages scolaires, marques de coups… Evidemment, on ne voit que les gamins qui ont des problèmes, mais c’est évident qu’il y en a de plus en plus… Notamment, par exemple, les enfants sont témoins de violences conjugales. »
La crise du Covid, les confinements et couvre-feux, à l’évidence, « produisent de l’énervement chez les gens, dans les familles. Elles se renferment, les exutoires à l’extérieur disparaissent », et ce sont « les petits qui trinquent ».
S’y ajoute l’effet « Familia grande » : « L’inceste, les violences sexuelles, on le disait depuis longtemps que ça existait. Enfin, le livre de Camille Kouchner fait sauter un tabou. »
Mais comment envisagez-vous, Monsieur le ministre, de répondre à cette sortie du silence ? Par, je vous cite, la « formation des professeurs. On a systématisé le fait qu’il y ait une sensibilisation au sujet du harcèlement, de l’inceste et des problèmes de violences intrafamiliales. »
Les enseignants ont, bien sûr, leur rôle face à ces maltraitances… mais sans qu’on les laisse seuls : il leur faut une équipe derrière eux, à leurs côtés.
« Je suis désolée, explique Guillemette Quiquempois, mais les professeurs ne sont pas faits pour ça. Leur rôle c’est d’enseigner, devant des enfants qui vont le mieux possible… Ils doivent évidemment relever des indices, soit des absences, soit du malaise, et le signaler au CPE ou à nous… » Surtout, alors que les enfants se confient, semble-t-il, le plus souvent, entre huit et dix ans, alors qu’à cet âge la parole se libère, il n’y a aucune, AUCUNE, assistante sociale sur le terrain dans les écoles. Seulement trois au téléphone…
« Nous, assistantes sociales, on est formées à recueillir la parole. C’est un vrai métier, ça ne s’improvise pas. Quand on est présentes dans un établissement, on arrive petit à petit à être identifiées par les élèves, qui peuvent venir nous voir directement. On est là pour les écouter mais aussi pour faire le lien ensuite avec les professeurs, les autorités… »
Alors, Monsieur le Ministre, par temps de Covid et d’inceste dénoncé, allez-vous, dans l’Education nationale, mettre en place un véritable « Service social en faveur des élèves » (SSFE) ? Le renforcer dans le secondaire, mais surtout le créer dans le primaire ?