Délocalisation chez Valéo : l’Etat, premier actionnaire, laisse faire

François Ruffin interpelle Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, sur la situation du site Valéo à Amiens

Un rappel, d’emblée : vous êtes, l’Etat est, le premier actionnaire de Valéo. Et pourtant, votre silence, votre impuissance, semblent la règle.

Mercredi 5 juillet, la direction du site de Valeo Amiens a annoncé aux syndicats un « plan de sauvegarde de l’emploi » prévoyant « 89 suppressions de postes avec l’arrêt des embrayages pour boîtes manuelles simples ». Un vrai coup de massue pour les salariés : « Tout le monde est abattu » rapporte Freddy Leonardi, délégué CGT de l’entreprise.

Cette annonce n’a malheureusement rien de surprenant, pour qui suit le dossier. Le 29 octobre 2019, je vous signalais déjà les inquiétudes des salariés quant à d’éventuelles délocalisations : « C’est tout l’avenir du site amiénois qui paraît bien sombre. Depuis plusieurs années, hormis le projet Self Adjusting Technology, aucune nouvelle production n’est proposée à Amiens. Le site périclite, avec des « embrayages » historiques, vieillissants. Ceci, alors que de nombreuses innovations sont conçues au centre de recherche Valeo-Amiens, mais sont produites ailleurs. […] L’État, détenteur de 7,34 % du capital, est le premier actionnaire de Valeo. Le Gouvernement pourrait donc veiller à ce que [les] produits conçus au pays soient aussi fabriqués ici. » Vous ne m’aviez pas répondu à l’époque : oui, plus de trois années se sont écoulées sans la moindre réponse de votre part. Le ferez-vous cette fois-ci ?

Depuis, que s’est-il passé ? Certes, la crise Covid a mis à mal l’industrie automobile. Mais Valeo s’en est sorti haut la main : 175 millions d’euros de bénéfices en 2021, 230 millions en 2022, le rachat de Siemens eAutomotive, une hausse des dividendes de 17 % en 2022 puis de 9% en 2023.

Et dans le même temps, les belles promesses d’investissements pour le site d’Amiens se sont rabougries : « Le contrat avec Mercedes, ébruité dans un premier temps à un milliard d’euros d’activité sur 10 ans, a été ramené en décembre 2020 à 600 millions d’euros » (Courrier picard, 6 juillet 2023). Quant aux salariés, « en quatre ans, ce sont 120 titulaires que nous avons déjà perdus, poussés à partir » d’après la CGT. Désormais, c’est la peur qui s’installe : le fameux « nouveau produit », ce « triple-embrayage humide » pour Mercedes, qui devrait relancer la production, n’arrivera sur les chaînes qu’en 2025. Tandis que la production actuelle va partir à Bursa, en Turquie. Pour la CGT, « on nous retire un produit du passé mais qui fait encore notre présent ».

En tant que premier actionnaire de Valeo, vous devez faire en sorte que les millions investis ces dernières années servent à la production. A la production de demain, bien sûr. En s’assurant que les embrayages du futur, ceux des moteurs électriques, seront fabriqués là où ils sont conçus, à Amiens notamment. Et à la production d’aujourd’hui, aussi. En refusant les plans de délocalisation.

Alors, Monsieur le Ministre, allez-vous laisser péricliter un outil de production de pointe, avec des salariés au savoir-faire reconnu ? Ou allez-vous tout mettre en œuvre pour que l’usine Valeo d’Amiens demeure un fleuron, forme ses ouvriers et recrute à nouveau ? Dans la période charnière qui s’ouvre, votre rôle est de proposer une vision, une stratégie. La transition écologique nécessite une mobilisation générale. De tous les capitaux, de tous les savoir-faire. L’Etat doit exiger le maintien et le développement de la production en France des entreprises dont il est le premier actionnaire.

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