François Ruffin : « Macron doit s’inspirer de Chirac et renoncer à cette réforme »

Macron a hérité d’un pays profondément fracturé. Dès son élection, il devait tenir compte de sa faiblesse, et gouverner avec prudence. À la place, il a comblé sa fragilité par de la brutalité, qui déchire le pays.

Cet entretien a été publié le 29 mars dans le journal La dépêche du Midi et sur son site internet.

Que doit faire l’exécutif pour sortir de cette crise marquée par la contestation contre la réforme des retraites ?

La réponse est simple : pour que le pays retrouve l’apaisement, il faut le retrait. Le moment fondateur de ce qu’on vit, c’est la crise Covid. Le président de la République avait promis « reconnaissance » et « rémunération » aux « femmes et aux hommes qui tiennent le pays debout » : auxiliaires de vie, agents d’entretien, caristes, etc. À la place, ces travailleurs de la « seconde ligne » subissent une double peine. La première, c’est l’inflation qui vient grever les petits salaires. La deuxième, c’est l’âge de la retraite repoussé de deux années. D’où un immense sentiment d’injustice. D’autant plus que le CAC 40 enregistre des bénéfices jamais vus jamais connus, 150 milliards d’euros. Depuis des mois, tous les syndicats sont unis, les sondages montrent que deux tiers des Français sont opposés à la réforme, et même une majorité à l’Assemblée qui aurait voté contre, si on lui avait permis de voter. Mais le Président n’a rien entendu. Dès lors, nous avons trois portes de sortie : le retrait de ce texte, un référendum ou la démission. Chirac au moment du Contrat première embauche en 2006, déclarait que pour « l’intérêt supérieur de la Nation, il reportait ce projet », qu’il a finalement enterré. Aujourd’hui, pour apaiser la société française, Emmanuel Macron doit s’inspirer de Chirac et renoncer à cette réforme.

Se pose quand même un problème de financement des retraites. Que proposez-vous ?

D’abord, je propose l’indexation des salaires sur l’inflation comme cela se faisait jusqu’en 1982. Si vous revalorisez les salaires, vous augmentez les recettes liées aux cotisations retraite. On peut aussi augmenter les cotisations patronales, comme l’a suggéré François Bayrou. Autre solution, le conseil d’analyse économique a dit qu’on pouvait en finir avec l’exonération de cotisation sur les hauts salaires. Enfin, je rappelle que le déficit prévisionnel des retraites, c’est 12 milliards d’euros par an. Le déficit commercial de la France, aujourd’hui, atteint les 164 milliards. C’est quatorze fois plus ! Et pourtant, on n’en parle pas. Le résorber devrait être notre priorité.

Si le Président ne bouge pas, pensez-vous que le référendum soit une solution ?

Le « référendum d’initiative citoyenne », c’était une demande des Gilets jaunes, et nous aurions dû sortir de cette crise par le haut, en l’inscrivant dans notre Constitution. Face à la crise actuelle, c’est donc une des issues même si le résultat est connu d’avance. Mais face au refus du pays, il y a urgence. C’est maintenant que le Président doit apporter une réponse, qui amène de l’apaisement, qui nous sorte de l’enlisement.

Vous venez en Ariège soutenir la députée sortante LFI, croyez-vous en l’avenir de la Nupes ?

C’est comme l’intersyndicale, on en annonce l’éclatement toutes les semaines et c’est toujours là. L’union de la gauche, c’est un impératif. Je vois un pays divisé en trois blocs. Un bloc libéral qui s’effrite dans le temps, sans pour autant s’effondrer. Un deuxième bloc, c’est celui du Rassemblement national. Et le troisième, la gauche. Moi je suis élu dans une Picardie où 8 députés sur 17 sont RN et où je suis le dernier député de gauche, sur la ligne de front. Ça invite à se serrer les coudes. Macron a hérité d’un pays profondément divisé, fracturé. Dès son élection, il devait tenir compte de sa faiblesse, et gouverner avec prudence, avec modération, avec sagesse. À la place, il a comblé sa fragilité par de la brutalité, qui déstabilise, déchire le pays. Si nous étions nous-même aux affaires, il nous faudrait en tenir compte, et chercher à réparer ces fractures, pas à les agrandir.

Comprenez-vous qu’une partie des socialistes disent ne pas se retrouver pas dans la Nupes ?

Cet accord, ce n’est pas la « bible », gravée dans le marbre, et bien sûr que les échanges, les discussions à gauche doivent se poursuivre. Il faut trouver des chemins pour dépasser les contradictions, pour former un vrai collectif. Que les Français se disent : « Oui, nous leur faisons confiance ».

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