Plus que trois guichets à Amiens, la première gare de Picardie ?

Monsieur Djebbari, la SNCF vient d'annoncer la fermeture de la moitié des guichets en gare d'Amiens. On peut considérer ce dispositif archaïque, mais qui n'est jamais allé au guichet ? Vous, certainement. Ou plus depuis longtemps.

M. François Ruffin interroge M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué des Transports : plus que trois guichets à Amiens, la première gare de Picardie ?

J’ai reçu ce matin un appel de Laetitia Mahieux, déléguée CGT des cheminots d’Amiens : « On a été convoqué il y a deux jours par notre directeur pour une réunion bilatérale : ils vont fermer la moitié des guichets. Trois guichets sur les six que compte aujourd’hui la gare d’Amiens. Ils nous refont le même coup que l’an dernier ! »

Il y a un an déjà, la direction avait décidé de supprimer les guichets. Les cheminots s’étaient mobilisés, soutenus par les usagers. Face à la contestation, le projet avait été remisé au placard. Un répit plus qu’une victoire pour les guichetiers. Car ce projet, aujourd’hui, est de nouveau sur la table.

« On est déjà dans la phase conclusive, m’explique Laetitia. Ils profitent du Covid pour passer en force. On a des agents qui sont “à risque”, donc tous les guichets n’ont pas rouvert. Leur plan, c’est de ne pas les rouvrir. Pourtant il y a du monde, il n’y a qu’à voir les files d’attente ! En 2019, c’est la gare d’Amiens qui fait le meilleur chiffre d’affaires aux guichets pour les Hauts-de-France. Mais l’objectif, c’est de créer l’insatisfaction, de décourager les gens d’aller aux guichets pour qu’ils se tournent vers les bornes ».

Ça me rappelle une explication de Noam Chomsky : « Comment détruire un service public ? En baissant son financement. Il ne fonctionnera plus. Les gens s’énerveront, ils voudront autre chose ». C’est un peu la même chose pour les guichets, finalement.

Malgré la demande donc, la première gare de Picardie ne comptera plus que trois guichets. Je vous parle ici d’Amiens, mais cette politique est nationale. Ni les grandes ni les petites gares, ni les villes ni les campagnes, ne sont épargnées. La CGT estime que 350 points de vente ont disparu en l’espace d’un an. La CFDT parle elle de 5 000 emplois supprimés ces dernières années, principalement au guichet.

Dans un récent entretien au JDD, le président de la SNCF Jean-Pierre Farandou, disait vouloir « renforcer et accélérer deux piliers, l’écologie et le digital, et en ajouter deux autres […] les territoires et l’humain ». Le « digital », avec les bornes automatiques et la dématérialisation, est déjà bien avancé. Mais son « renforcement » et son « accélération » ne doivent se faire au détriment du quatrième pilier, « l’humain ». Car c’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui : supprimer des guichets, c’est supprimer de l’humain.

A l’heure de la modernisation, le guichet est considéré par la SNCF comme un dispositif archaïque. Et tant pis si dématérialisation et automatisation riment avec déshumanisation. Tant pis aussi pour les personnes âgées, pour toutes celles peu habituées au numérique et aux bornes automatiques, ces réfractaires à l’internet, au smartphone, et autres QR codes. Tant pis, enfin, pour tous les usagers. Car qui n’a jamais eu besoin d’un renseignement de dernière minute ? D’échanger un billet ? D’acheter une carte de fidélité ? De renouveler un abonnement ? Ou simplement de demander son chemin ?

Car qui, finalement, n’est jamais allé au guichet ?
Vous, certainement. Ou plus depuis longtemps.

Aussi, je vous invite à m’accompagner sur le terrain, en gare d’Amiens ou de Longueau, pour aller discuter avec des guichetiers, des usagers. Qu’ils vous racontent leur quotidien de travailleur, de voyageur, simplement, librement, comme ça, à l’improviste. Que vous les écoutiez en dehors de toute instance de concertation, de procédure de consultation. Et peut-être qu’après cette plongée dans le réel, vous réévaluerez votre politique. Pour que la technologie seconde l’humain sans le supprimer. Pour que la gare d’Amiens garde ses guichets, et pas seulement la moitié.

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