M. François Ruffin interpelle M. le ministre de l’éducation nationale : vous avez divisé par deux les fonds sociaux. Quand viendrez-vous au collège Arthur Rimbaud déclarer aux élèves « Toi tu partiras en voyage de classe, toi tu ne partiras pas » ?
« Monsieur le député, vous savez que le ministère a baissé de moitié les fonds sociaux pour les collèges ? ». C’est Guillemette Quiquempois, secrétaire du syndicat national des assistantes sociales de la FSU de l’Académie d’Amiens, qui m’interpellait ainsi lors d’une manifestation. Confus, je lui confiais mon ignorance : non, je n’avais pas vu passer le dossier.
Elle est donc revenue vers moi ce lundi, preuves en main : votre Budget éducation nationale et jeunesse prévoit, en effet, une « dotation fonds sociaux » de 30 670 976 € en 2020. Alors qu’elle s’élevait à hauteur de 59 millions en 2019. La moitié sabrée d’un coup, donc.
« A quoi servent ces sommes ? », je l’ai interrogée.
« La priorité, c’est que tous les élèves aient un cartable bien rempli avec toutes les fournitures indispensables (cahiers, crayons,). Il y a la vêture, aussi, des manteaux en hiver, les tenues de sport… Il peut s’agir d’autres situations : là, par exemple, on a une maman dont la carte vitale n’est pas à jour, qui a des soucis avec tous ses papiers. Les professeurs soupçonnent une dysgraphie chez son fils. Il est en troisième, il passe bientôt le brevet. Et donc, pour demander un aménagement des épreuves, il nous faut un bilan ergothérapie de tout urgence. Mais ça coute 150€. Le fonds social permet aussi de payer la cantine, pour que les enfants puissent manger le midi. C’est parfois le seul vrai repas qu’ils prennent dans la journée… «
Bref, il s’agit d’aider les collégiens et lycéens les plus précaires. Les familles pauvres ignorent souvent l’existence de ces fonds, ou n’osent pas les demander. Pourquoi ? Car il manque des assistantes sociales pour les en informer. Dans la Somme par exemple, le service social en faveur des élèves ne compte que vingt-six assistantes sociales scolaires pour plus de quatre-vingts établissements. Alors forcément, il reste des « crédits non-consommés ». Voilà qui vous permet de rogner sur la grande pauvreté.
Madame Quiquempois exerce au collège Arthur Rimbaud, à Amiens-Nord. Celui où est scolarisé mon fils, également :
« – Ce printemps, un voyage est prévu en Ecosse, non ? », je l’interroge.
– Oui, avec 300 € à verser par les parents. Pour des familles précaires, c’est énorme
– Tous les enfants vont partir ?
– Non, pas du tout. Par exemple, je recevais l’autre jour une maman qui a trois enfants, tous les trois au collège. Parce que les fonds sont limités, il a fallu choisir qui partirait, qui ne partirait pas. C’est inadmissible : avec la baisse des fonds sociaux, c’est sur les enfants qu’on tape ! »
Dans une récente tribune, l’ancien directeur général de l’enseignement scolaire Jean-Paul Delahaye s’en alarmait : « Mesure-t-on partout l’impact de l’humiliation subie par ces jeunes qui restent dans leur établissement quand leurs camarades partent en voyage linguistique ? » Dans son rapport Grande pauvreté et réussite scolaire (2015), il relevait déjà, entre 2002 et 2012, une division par deux des fonds sociaux. Avec une baisse drastique sous le ministère de Robien… dont vous étiez, M. Blanquer, le directeur de cabinet adjoint. Une décennie plus tard, vous récidivez.
Aussi, Madame Quiquempois, vous convie-t-elle : « Que monsieur Blanquer vienne annoncer aux enfants qu’à cause de tels choix, ils ne partiront plus en voyage scolaire. Qu’il vienne leur dire, droit dans les yeux, “Non toi, tu ne partiras pas, tu resteras dans la cour du collège pendant que tes camarades seront en Ecosse, en Allemagne, ou ailleurs”. Il n’y a rien de plus terrible que de lire la tristesse et la détresse dans le regard d’un enfant. »
Alors, partiez-vous en voyage scolaire, monsieur Blanquer ? Pouvez-vous jurer que, demain, le tri des partants ne se fera pas encore davantage au porte-monnaie ?