Sylvie : “Ils m’ont tout fait à la gendarmerie”

Ses enfants jouaient dans le jardin et l'on entendait leurs cris de joie. Qui contrastent avec le récit de son calvaire ordinaire : la violence de son ancien conjoint, doublée d'une autre, plus diffuse, plus discrète, l'indifférence, l'indifférence des gendarmes.

J’interviendrai ce jeudi, à l’Assemblée, sur “les violences faites aux femmes au sein de la famille”. L’occasion de publier le témoignage de Sylvie (prénom modifié). Ses enfants jouaient dans le jardin, à la balançoire et au ballon, et l’on entendait leurs cris de joie. Qui contrastait avec le récit de son calvaire ordinaire : la violence de son ancien conjoint, doublée d’une autre violence, plus diffuse, plus discrète, l’indifférence, l’indifférence des gendarmes. Loin de protéger la victime, c’est leur mépris qu’ils ont offert à Sylvie.

« Je suis séparée depuis l’automne dernier. A cause de l’alcool. Comme il buvait, il ne gardait jamais un travail. J’ai tout géré seule. Tout. Les factures, le travail, la maison, les enfants. Il buvait dès le matin, dès le lever, il conduisait les petits à l’école dans la voiture, et j’avais peur pour eux.
Une fois, il a essayé de faire une cure. Je vais changer il m’a dit. Mais il a replongé, bien sûr, et sa jalousie empirait, son agressivité. Il fouillait mon téléphone, il ne voulait pas que je mette de jupe, que je me maquille. Je ne pouvais plus quitter la maison. Même quand j’allais chez ma mère, il m’appelait : ‘Je suis sûr que tu te fais baiser par le voisin.’

« La séparation a été violente. J’ai voulu lui parler. Il a mis le minuteur: ‘Tu as deux minutes, je n’ai pas que ça à faire’. Au début, il est resté à la maison. Je suis allée voir sa mère : ‘Ah moi, je ne le récupère pas. Il m’a trop fait la misère.’ C’est moi qui me suis réfugiée chez la mienne, avec les gosses. Il m’envoyait des textos insultants toute la journée. Il venait devant l’école, soi-disant pour voir ses enfants, il m’insulte.
J’ai appelé la gendarmerie de P., ils m’ont envoyé bouler: ‘Il a le droit.’ Quand je leur montrais les textos, pareil: ‘Il faut prendre votre mal en patience.’ Pour eux, c’était moi la mauvaise.

Le 4 avril, c’était l’anniversaire de mon fils. Il a appelé, il m’a insultée au téléphone, quinze fois dans la matinée. Pour les gendarmes, c’est pas du harcèlement, ils sont toujours de son côté. A chaque fois que je suis allée à la gendarmerie, je me suis fait pourrir.

Il a dégradé ma voiture, ma porte de garage, ma maison. Les gendarmes ont pris ma plainte, mais contre X : ‘Vous ne savez pas si c’est lui, vous n’avez pas de preuve’, ‘Pas vu, pas pris’ ils m’ont dit…

Après, il m’a envoyé un texto avec une arme à feu en photo : ‘Ton jour arrivera.’ Là, les gendarmes ont quand même pris ma plainte.

« Le 26 avril, il a enjambé le portail fermé à clé. Le petit lui a ouvert la porte. Lui est entré, et il m’a giflé. Et il est reparti. Les gendarmes ont auditionné mon fils aîné à la gendarmerie. Mais mon ex- était dans la pièce à côté. Il avait 2g. Il disait que c’était moi qui l’avais agressé ! Le lendemain, confrontation. Je me disais : ‘Je ne vais pas y aller, je peux pas’. Je tremblais, je pleurais. Et vite, les gendarmes ont dit : ‘Bon, on va écourter, vous ne serez jamais d’accord.’

« J’ai peur, je ne me sens plus en sécurité.
Il me piste, il sait avec qui je suis. Un soir, j’étais au parc avec les enfants et un collègue, il m’a sauté au visage, m’a agressée, m’a menacée, ‘Tu vas ce qu’il va t’arriver’. Il était confiant : ‘Les gendarmes, ils s’en foutent de toi, ils pensent que tu es folle…’ Et le pire, c’est qu’il avait raison. A la gendarmerie, ils m’ont dit : ‘Ah mais les plaintes, c’est jusqu’à 18 h ! Là, c’est trop tard.’ Et le lendemain, c’était pas possible non plus, sous un autre prétexte : celui qui suivait mon dossier était en vacances. J’y suis retourné le mardi : ‘Pourquoi vous n’êtes pas venu avant?’, ils m’ont demandé. Puis ils l’ont justifié : ‘C’est un parc public, il a le droit.’ J’ai donné le nom de mon collègue, pour qu’il atteste, il attend toujours d’être interrogé. Ils m’ont tout fait à la gendarmerie. Là-bas, j’ai honte, c’est comme s’ils rajoutaient de l’humiliation.

« L’autre jour, j’étais sur le parking de Leader Price. Il a tapé fort à la fenêtre de la voiture. J’étais avec mon fils. Mon ex voulait lui faire un bisou. J’ai ouvert la portière et là, à la place du câlin à son petit, il m’a menacée. Je suis rentrée dans le magasin et j’ai guetté son départ. J’ai fais mes courses à toute vitesse et en sortant j’ai demandé à un homme de m’escorter jusqu’à la voiture. Maintenant, je demande à des gens de m’accompagner, quand je sors du travail par exemple. J’ai peur. Je ne dors plus la nuit, je suis toujours en train de tout vérifier. Et depuis septembre, ma mère vit avec moi.

« A la gendarmerie, ils disent qu’ils en ont marre de la famille R., et ils soupirent. Ils nous ont dit d’aller voir un psy, mais je ne veux pas une thérapie, juste une protection. Ils ne m’offrent aucune protection. C’est de ma faute, pour eux, torts partagés, ils ne s’en mêlent pas. »

En bout de table, silencieuse, la mère de Sylvie assiste à l’entretien : « J’avais confiance en eux, maintenant je suis écœurée par la gendarmerie. J’ai peur pour ma fille et mes petit-enfants. J’y pense toujours. »

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