Vacances : des miettes pour les enfants ?

Devant l’école Voltaire, quand on cause des vacances avec une poignée de mamans, on parle plus de prélèvements que du bonheur des enfants...

J’en connais plein, des mamans, qui ne peuvent pas mettre leurs enfants au centre de vacances. » C’est Assia qui a lâché ça, pendant une réunion Picardie debout !
« On pourrait en rencontrer ? j’ai demandé.
-Oui, pas de souci.
-Lundi ? »

Y a des dossiers, faut avouer, que je fais traîner. Y en a d’autres, je me précipite dessus : et ça, qu’un gosse ne fasse pas, pendant les vacances, surtout l’été, des trucs chouettes, dont il a envie, du foot, de la vidéo, de la piscine, du théâtre, qu’il reste à la place enfermé chez lui, devant la télé, les jeux vidéos, les écrans, ça me navre.

Parce que j’ai bénéficié de ça, gamin. Mon père travaillait chez Bonduelle, comme cadre, on n’avait pas de souci d’argent. Mais comme en juillet-août, c’était la saison des haricots, des petits pois, etc., on ne partait jamais d’Amiens. Sauf qu’y avait le tennis. Pour 10 F par mois, par mois !, 1,5 €, on était entraînés par des animateurs du matin au soir, du lundi au vendredi. La municipalité était alors communiste, René Lamps la dirigeait, et tous les quartiers se mêlaient sur les courts : coup droit, revers, smash, dans le plus grand club de la ville, footing en arrivant, tournoi l’après-midi. J’adorais. Mon caractère s’est en partie forgé là, dans le sport, sur les terrains.

*

Il fait froid, ce matin, devant l’école Voltaire, au quartier nord d’Amiens. Quelques mères sont restées dehors pour témoigner :

Delphine : Le centre, il faut le payer. Maman de cinq enfants, vous imaginez ? La dernière facture, rien que pour deux, c’est monté à quatre cents euros.
Bitou : Moi, pour deux cents euros, j’ai dû aller aux impôts, demander un échéancier…
Delphine : Pareil pour moi, j’ai demandé un prélèvement mensuel. Mais je ne peux plus me permettre : du coup, ils me suivent partout. Quand je dois en emmener un à l’orthophoniste, on arrive à cinq.
Bitou : Ma fille est en quatrième. Elle ne va pas au centre, parce que financièrement, je ne peux pas. J’essaie de trouver des activités dehors, la famille, le parc, on est beaucoup bibliothèque.
Mélanie : Je paie une semaine de hand à mon fils, l’APH, ça revient à 50 €…
Méraoui : Ca revient super-cher. Une fois de temps en temps, on le fait, mais sinon c’est trop cher…
Audrey : Mes enfants, 11 ans et 8 ans, ils ne font rien du tout. Déjà que je paie le foot du grand, 150 € l’année, alors je ne les mets pas au centre.
Linda : Avant, mon fils de 11 ans allait au centre, il partait en camping avec eux, ça me revenait à 500 €. Mais je travaillais. Depuis mon accident, c’est plus possible…

*

Ca me paraît terrible, cette conversation. On évoque les loisirs des enfants, et on parle plus du porte-monnaie, des dettes, des prélèvements, des échéanciers que de leurs désirs. Comme si leur bonheur, leur ouverture au monde, devaient être indexés sur les revenus des parents. Comme si cette injustice était déjà accepté.

« S’il y avait du tennis, par exemple, gratuit ou presque, ça les intéresserait ?
-Ah oui !
-A fond !
-Et du hockey-sur-gazon ?
je poursuis.
-Oui, ils essaieraient bien.
-Et du volley-ball ?
-Bien sûr. »

Si j’étais maire, ou candidat, je mettrais le paquet sur ça : pas seulement que « le centre » soit accessible. Mais que les assos, de foot, de gym, de peinture, etc., organisent des stages, durant les vacances, avec une subvention bien sûr à la clé, qu’ils offrent aux gamins d’Amiens des activités pour courir et réfléchir, pour respirer et espérer.

Parce que ça n’est pas secondaire, ce temps de vacances. Quand à l’école, au collège, en classe, on ne brille pas forcément, c’est le moment où on peut prendre sa revanche, sa revanche sur soi-même, se sente bon dans un truc, exister, reconnu, s’accorder une valeur. Briller un peu, dans un sport, un loisir, briller aux yeux des autres, et que ça nous brille au fond du cœur, et que ça éclaire le reste.

Bref.

*

Qu’on revienne aux sous : comment on finance ça ? Ca ne me paraît pas compliqué.
La journée de lancement de « Amiens for Youth », il paraît, ce jeudi, avec le concert de Big Flo et Oli, c’est 300 000 €. 2,6 millions, au total, pour des « événements ».
« Amiens capitale de la jeunesse, vous en avez entendu parler ? je demande aux mamans.
-Non, je sais pas.
-Les plots qu’ils ont repeints en couleur, c’est ça ?
-Y a deux personnes qui viennent le 16… Big Fol je sais pas quoi…
-Ah oui, les places qu’ils ont données pour le concert. »

A la place d’ « événements », la jeunesse mériterait une vraie politique.

Dans notre ville et ailleurs : Emmanuel Macron a cassé le ministère de la « Jeunesse et des sports »… Quand, comme le dit Assia, « les enfants traînent dehors », c’est un choix, c’est un choix politique, c’est le choix de la mairie, c’est le choix du gouvernement.

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