Tian’anmen sur Garonne

Bombardée par les canons à eau, gazée de lacrymo, son fauteuil roulant déplacé de force, une entorse de la cheville, des hématomes et une garde à vue… Odile Maurin, la présidente d’Handi-social, une asso de soutien aux personnes handicapées à Toulouse, a vécu un drôle de samedi avec les Gilets jaunes.

Pour la manif des Gilets jaunes, ce samedi, on avait lancé un appel pour le logement accessible, avec le DAL. Du coup, on était en tête de cortège. C’est super tranquille, calme, pacifique. On est partis de Jean-Jaurès, on a pris Marengo, derrière la gare, Alsace-Lorraine, les quais…

Et puis, au moment d’arriver à Arnaud-Bernard, je ne sais pas pourquoi, on se retrouve face à tout un cortège de camions de CRS qui barraient la route. Ça n’avait aucune logique, le lieu n’était même pas interdit, seule la place du Capitole l’était ! Les gens de la manif, tout de suite, se sont mis à terre, les mains en l’air, pour bien montrer que, justement, c’était pacifiste, qu’on voulait juste continuer la manif. Et moi, avec deux autres personnes en fauteuil, on s’est approchés pour parlementer, voir si on pouvait passer.

On a commencé à parler avec le responsable du dispositif. Mais là, y a une commissaire, une petite jeune, qui est arrivée, et qui nous a donné l’ordre de dégager. On ne voulait pas, on continuait à négocier. Alors, ils ont envoyé les grenades lacrymo et les canons à eau. Y avait rien eu, aucune violence, rien. Y avait des gens avec des cannes, des personnes âgées, dans la manif, mais ça les a pas gênés…

Une fois qu’il y a eu les lacrymos et les canons à eau, les gens ont commencé à lancer des œufs, et même des pierres, c’est vrai, mais avant ça, il n’y avait rien eu, aucun problème.

« Ils ont pas pu me mettre en cellule : elle était pas accessible aux fauteuils roulants ! »

J’ai pris des gaz lacrymo, moi aussi, et de l’eau, j’étais trempée, mais je ne voulais pas bouger. Alors, je me suis mise devant leurs véhicules, pour les empêcher d’avancer et de repousser les manifestants. J’aime pas qu’on me dise que je ne peux pas aller quelque part. Tout le temps, on nous le dit, avec nos fauteuils, ben là, non, ça suffit. J’ai bloqué un véhicule, et ils sont venus déplacer mon fauteuil. Je leur criais qu’ils allaient le casser, je les prévenais, qu’il coûte 30 000 euros, mais ils me déplaçaient, et à chaque fois je revenais devant eux, pour les bloquer.

Une première fois, ils m’ont fait partir sur le trottoir, le fauteuil a failli se renverser. Et puis, l’un des policiers a manipulé mon joystick, et ça c’est super dangereux… Mon fauteuil est parti à toute vitesse, il a foncé dans un véhicule de police. Ma cheville droite a vrillé en tapant dedans.

J’avais mal, mais les policiers se sont mis autour de moi et m’ont dit : ‘‘Vous êtes en garde à vue.’’ Moi, je demandais à voir un docteur, j’avais mal, mais il n’y avait personne. J’ai voulu aller à la pharmacie à côté, ils m’ont rattrapée et ont ramené mon fauteuil. Heureusement, quelqu’un est allé me chercher des antalgiques.

Ensuite, pour m’amener au poste, ils ont d’abord appelé les pompiers, mais leur véhicule n’était pas équipé pour mon fauteuil. Alors, ils ont voulu faire venir un camion élévateur pour me transporter. Mais même s’ils avaient pu, le camion ne pouvait pas fixer le fauteuil, une fois à l’intérieur. J’y serais jamais montée !

Ça a bien duré une heure, tout ça. Ils étaient bien embêtés. En plus, leur cellule n’était pas accessible aux fauteuils ! Pour une fois que l’inaccessibilité nous est utile…

Alors, ils m’ont dit ‘‘Vous pouvez partir, mais y aura des suites, on vous appellera.’’ De toute façon, je sais qu’ils m’ont dans le collimateur. Que le procureur recueille des témoignages contre moi.

Je les emmerde, et je vais continuer à les emmerder.

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