Le « courage » d’être faible avec les forts, fort avec les faibles

Le courage d'être fort avec les faibles, faible avec les forts. Car c'est le lien le plus évident entre crise sanitaire et crise démocratique : on aurait écouté le "demos", jamais les urgences ne se seraient retrouvées à nu.

Voilà le lien, le plus évident, entre crise sanitaire et crise démocratique : on l’aurait écouté davantage, le « démos », ou en moins grec, le « bon sens », le « sens commun », jamais les masques, et les sur-blouses, et les médicaments, n’auraient déménagé à l’autre bout de l’Asie. Jamais, non plus, les urgences ne se seraient retrouvées à nu, désossées. Jamais les « économies de coût » ne l’auraient emporté sur le reste, sur tout le reste, un lent glissement.

Une « folie », nous dit Macron aujourd’hui. Mais qui l’a mise en œuvre, cette « folie » ? Lui et les siens, au nom de la « rationalité », la seule qui vaille, économique, la « Raison des Lumières » réduite à cela, à une comptabilité des coûts / bénéfices en dollars. Et qui a tenté de la freiner, cette « folie » ? Le « démos », qui a renâclé à chaque « réforme », d’un décembre 95 à un hiver en jaune. Mais plus il protestait, plus il manifestait, ou plus il votait mal, « pour les extrêmes », et plus les dirigeants se bouchaient le nez et les tympans. Eux administraient des lavages de « pédagogie », comme à des petits enfants. Eux dénonçaient le « démon du démos », la « démagogie », le « populisme » à l’œuvre, des foules « irrationnelles ».
Les fous étaient au pouvoir, et ils criaient aux fous !

« Courage. » « Courageux. » « Des réformes courageuses. »
Ce syntagme condense, pour moi, le conflit, latent, permanent, entre ces dirigeants et le peuple.

« Des réformes ambitieuses et courageuses. » C’est ainsi que le Fonds Monétaire International saluait, à l’été 2017, les premiers pas d’Emmanuel Macron au pouvoir, et notamment sa Loi Travail.

Après la suppression de l’ISF, l’OCDE ne disait pas mieux : « Le gouvernement a entrepris des réformes courageuses pour stimuler l’activité économique. » Une « réforme courageuse de la fiscalité », renchérissait Le Figaro. Pour la formation professionnelle, Paris-Match innove : « Le président Macron et son bras armé, Muriel Pénicaud, entreprennent une réforme courageuse ». Quant à l’assurance-chômage, Les Echos félicitent « une réforme courageuse ». Sur le « nouveau pacte ferroviaire », Les Marcheurs s’étaient donnés le mot : « une réforme courage et équilibrée ». Sur le travail du dimanche, « Emmanuel Macron porte une réforme courageuse », commentait Le Monde. Enfin, évidemment, à tout seigneur tout honneur : que dire des retraites ? « Le gouvernement mène une réforme courageuse », déclarait Emmanuel Macron himself.

Réforme, courageuse, réforme, courageuse… A force de les entendre ensemble, ces mots, au fond, on ne les entend plus. Mais quel est ce « courage » ? C’est le « courage », non pas de dompter les marchés financiers déchaînés, non pas d’affronter les firmes multinationales, non pas de combattre ces nouvelles puissances, mais au contraire : de s’y plier. De se courber devant elles, de mériter leur confiance, de flexibiliser le travail pour elles, de diminuer leur fiscalité. Et pour ça, de montrer du « courage », mais du courage face à qui ? Face aux peuples, aux peuples qui jugent ces réformes injustes, qui voient leurs conquêtes rognées, leurs salaires baissés, leur sécurité entamée, leur bien-être érodé… Alors oui, le « courage » d’aller contre les caissières et les infirmières, contre les enseignants et les étudiants, contre les cheminots et les ouvriers, mais jamais contre les banquiers et les actionnaires. Le « courage » d’être faible avec les forts, et fort avec les faibles, le voilà, le « courage » tant vanté. Le « courage » d’une démocratie contre le « démos »…

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