La verrerie de Jaurès : l’Etat garant, ou aux abonnés absents ?

« Si vous n’êtes pas contents, nous irons en Espagne. » Après Alstom, après Whirlpool, après Ascoval, après une longue liste, l'Etat sera-t-il responsable du désastre industriel de Verallia, jetant des centaines de camions dans les Pyrénées ?

Dans l’entre-deux tours des élections présidentielles, en mai 2017, Emmanuel Macron se rendait dans la verrerie d’Albi, la verrerie de Jean Jaurès. « Ce que je voudrais illustrer en venant ici, c’est que le modèle dans lequel je crois est un modèle social très vivace, un modèle qui va jusqu’à la cogestion. C’est ce que je souhaite développer ».

Deux années plus tôt, en 2015, le même Emmanuel Macron, alors ministre, s’était engagé : « Nous veillerons à la préservation de l’entité, au maintien de l’investissement et aux garanties sur le caractère productif de l’investissement décidé. L’État s’en porte garant. »
Aujourd’hui président, une mise en bourse de Verallia se prépare. Qui pourrait bien détruire ce “modèle social très vivace”. Et l’Etat ne se porte plus “garant”, plutôt aux abonnés absents. Malgré un projet alternatif, socialement, écologiquement “responsable”, porté par les salariés…

Le groupe Verallia fabrique des bouteilles partout en France, à Albi, à Pont-Sainte-Maxence, à Lagnieu, à Château-Bernard… Dix usines qui maillent le territoire, au plus près des productions viticoles, une verrerie pour le champagne, une pour le bordelais, une pour le cognac, une pour le Saumur. Avec un gain environnemental : le lieu de production des bouteilles est rapproché du site d’embouteillage des vins. Or, le directeur du site l’a déjà annoncé : « Si vous n’êtes pas contents, nous irons en Espagne ». Une délocalisation qui, fatalement, entraînerait des centaines de camions dans les Pyrénées, remplis de bouteilles vides.

Et pourquoi les 2500 salariés français ne seraient pas contents ? Parce que le groupe Verallia, anciennement entreprise publique Saint-Gobain, est aujourd’hui détenu à 90 % par le fonds d’investissement Apollo, et 10 % par la Banque Publique d’Investissement. Apollo a décidé de revendre son capital, avec au passage une plus-value évaluée à 2,4 milliards d’euros en cinq ans. Les salariés, informés du projet de leur actionnaire principal, sont d’accord pour une mise en bourse, mais à une condition : que ce soit « une mise en bourse responsable ». Une mise en bourse qui garantisse la présence des salariés au sein du conseil d’administration. Une mise en bourse qui mette l’accent sur le volet environnemental de l’activité. Les salariés comptaient sur un allié : l’autre actionnaire, la BPI. Qu’il soit le partenaire du contre-projet.

Mais, ont-ils appris, le pacte d’actionnaires qui lie BPI et Apollo prévoit un retrait proportionnel des deux entités. Le fonds compte vendre d’abord 40 % de ses parts, la banque publique le fera également. Avec 6%, la BPI passerait ainsi en dessous de 10 % du capital, le seuil qui empêche toute OPA. Lors de son audition par la commission des affaires économiques de l’Assemblée, Nicolas Dufourcq, directeur général de la BPI, a assuré: « Nous n’avons pas l’idée de vendre les 10% de BPI France de VeralliaLa présence de BPI au CA de Verallia vise à empêcher toute tentative de délocalisation ». Qui croire ?

M. Le ministre, je vous lance une alerte : après Alstom, après Whirlpool, après Ascoval, après une longue liste, ne soyez pas responsable d’un nouveau désastre industriel, d’un fleuron sacrifié sur l’autel de la finance. Avec la BPI, étudiez cette “mise en bourse responsable”. Que les grandes déclarations sur la “responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise”, multipliées lors de la loi Pacte, ne soient pas que de vaines promesses. Que comme le ministre Macron l’annonçait, “l’Etat s’en porte garant”. Pas seulement pour les salariés, là, pas seulement pour la filière viticole, pas seulement pour les territoires, mais au vu de l’enjeu environnemental, également pour le climat.

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