Ecopla: « Non non rien de rien, je ne regrette rien »

C’est avec fierté que je regarde ce moment de mon histoire : parmi les choses que je fais le mieux, que j’aime le plus, me tenir aux côtés d’hommes et de femmes qui luttent, debout, qui tentent, qui échouent, qui se relèvent, Christophe, Karine et les autres, et on ne viendra pas jeter la honte sur cette aventure humaine, magnifique, ces instants magiques, ces instants d’humanité.


Je reçois des messages « Tout mon soutien », « Si on peut quelque chose », etc.
Merci, mais ça va.
Vraiment.

Très bien, presque. Parce que des fois, j’ai honte, honte de m’être planté, honte d’avoir fait une connerie.
Mais là, non : je me sens fier, très fier, de notre aventure Ecopla.

Qu’on se rappelle.
Je débarque, comme journaliste-activiste, fin août 2016 sur le site de Saint-Vincent-de-Mercuze, où Christophe, Karine et une poignée d’autres occupent leur usine. C’est la déprime, quand même. Un patron-voyou de plus qui pille leur entreprise, une industrie qui se barre en plus, un ministre-Macron-qui-n’a-rien-fait de plus, un tribunal de commerce véreux en plus. Et le monde entier qui s’en fout, d’eux, au fin fond de leur vallée du Grésivaudan.

Je fais conseiller de luttes, là.
Je leur dis, en gros : « Les gars, si vous restez à distribuer des tracts sur vos marchés, le pouvoir il s’en fout. Le pouvoir, il est à Paris. Il faut monter là-haut, être reçus à Bercy, faire le tour des QG de campagne, attirer les médias. Qu’au moins, votre sale histoire, ça ne reste pas étouffé… »

Alors ils ont pris un car (Macron !) parce que c’était moins cher, et ils sont montés à la capitale, certains pour la première fois. On a retroussé nos manches, on a attiré les projecteurs sur eux, et parmi mille épisodes, des réunions au ministère de l’Economie, des débats à la Fête de l’Huma, des meetings à la Bourse du Travail, des tribunes (signées, de mémoire, par Wauquiez et le Medef, eh oui, quand il faut il faut), parmi mille épisodes, parmi les visites improvisées chez Bruno Le Maire, chez Montebourg, chez Juppé, chez Sarkozy (eh oui, quand il faut, il faut), qui nous ouvrent les portes, suivis toujours par quelques journalistes. Parmi mille épisodes, donc, la visite à la Tour Montparnasse, le premier QG d’En Marche !

Macron nous reçoit, bien obligé, les salariés, une cadre du mouvement coopératif, et l’équipe de Fakir.
Un journaliste de Radio Nova, aussi, rentre parmi la troupe.

« C’est pas du foutage de gueule ? »
Dans son bureau les ouvriers déballent leur sac, comment lui Macron a merdé au ministère de l’Economie, comment il était déjà en campagne à la place de sauver l’industrie. Lui répond, forcé, admet une « erreur », bien obligé, des regrets, bien obligé, etc.
Mais on peut quoi pour la suite ?
Qu’il alerte son successeur à Bercy, Michel Sapin. Qu’il mobilise ses réseaux au ministère. Oui (ce sont les douze secondes diffusées), on va l’interpeller ensuite, pour qu’il admette publiquement sa faute, pas qu’en privé, pour que sa lumière rejaillisse sur Ecopla.

Aussitôt dehors, je dis aux camarades : « On y va !
– Où ?
– A son meeting.
– Là, maintenant ?
– Oui, tout de suite. »

Parce que je sais, d’expérience : on doit saisir toutes les opportunités. Une fois les salariés repartis dans leur bled, ça va être la croix et la bannière de les faire revenir, autant battre le candidat tant qu’il est chaud. On s’y pointe, donc, devant une salle, je ne sais plus laquelle. Son équipe est surprise, pas contente du tout : « C’est pas correct… » A la sortie du meeting, dans la foule des jeunes macronistes, au milieu des caméras et des micros, Christophe interpelle Macron : « Vous avez merdé ! » (en substance). Cette scène, évidemment, va faire le tour des télés, et rendre visible leur combat. Qui ne sera pas pour autant gagné.

On a essayé plein de trucs, encore.
Des machins militants. Des juridiques. Des institutionnels. Avec des alliances de circonstances, des meetings plein à craquer à Grenoble, des tentatives de réoccupation de l’usine.
On a essayé, et ça n’a pas suffi.

Mais rien, rien de rien, je ne regrette rien.
C’est avec fierté que je regarde ce moment de mon histoire : parmi les choses que je fais le mieux, que j’aime le plus, me tenir aux côtés d’hommes et de femmes qui luttent, debout, qui tentent, qui échouent, qui se relèvent, Christophe, Karine et les autres, et on ne viendra pas jeter la honte sur cette aventure humaine, magnifique. La honte est sur ceux qui, champions de la lutte par tweets, voudraient salir ces instants, ces instants magiques, ces instants d’humanité.

La bise à Christophe, Karine et les autres.

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