Monsieur le Ministre, allez-vous détruire les Champs-Elysées ?

Allez-vous détruire cette œuvre d’art populaire ? Cette protestation pacifique ? Cet hommage, singulier, à la mémoire d’Olivier ?

Monsieur le ministre de la Culture,
Monsieur le ministre de l’Intérieur,
Madame la préfète du Lot-et-Garonne,

Je viens de recevoir ce courriel:

“Sur le rond-point de l’Olivier (nommé de la sorte à la mémoire de notre camarade Olivier Daurelle qui a trouvé la mort), un magnifique Arc de Triomphe a été construit par un vaillant camarade gilet jaune, extrêmement talentueux. Mais nous nous trouvons face aux injonctions de la préfecture de le détruire.”

Sébastien est ouvrier chauffagiste, à Villeneuve-sur-Lot, et avec ses amis Gilets Jaunes il a bâti un Arc de Triomphe haut six mètres :

« On est face à quelqu’un qui ne nous répond pas, qui ne nous écoute pas. Alors, on s’est dit qu’on allait poser une œuvre là, belle, comme ça on nous verrait. On a connu des moments de doute, des moments durs, compliqués, cet hiver, sur le rond-point. Ça nous a aidés à tenir.
– C’était quoi, ces moments durs ?
– On a perdu Olivier. C’était un de nos meneurs, un gars super, démocrate, pacifiste. C’était lui, notre monument. Tout le monde l’écoutait. Un poids lourd a forcé le passage et l’a renversé. Le chauffeur était en tort, mais personne ou presque n’en a parlé… Mais y avait cinq cents personnes à son enterrement.
– Comment vous avez réagi ?
– On lui a fait un feu, deux feux, huit feux, dans la nuit, pour lui rendre hommage. Comme une cérémonie. On a brûlé tout notre campement, et même une grande tour Eiffel de cinq mètres qu’on avait construite. Que ça brûle pour lui. On a fait ça en accord avec la police.
– Et après ?
– On a reconstruit des cabanes, un peu bancales, en bambou, en plastique. Ça me plaisait pas. Alors, j’ai tracé un cercle au sol et j’ai dit ‘‘Là, on va faire un beau projet, quelque chose d’esthétique’’. J’ai eu beaucoup de soutiens. Une cinquantaine de personnes ont mis la main à la pâte. On venait le soir après le boulot, on y passait la nuit. ça nous a aidés à tenir, après le décès d’Olivier, on se rassemblait là. Deux semaines, ça a pris, et là, il est presque fini : demain, on passe l’enduit. Après, il y aura des fresques, des choses artistiques dessus. On veut se dépêcher, avant qu’ils le détruisent…
– Qui veut le détruire ?
– La Préfecture. Dans la semaine, ils devraient venir, on ne sait pas quel jour. La préfète a donné l’ordre. On espère qu’un avocat ou quelqu’un va trouver quelque chose pour les en empêcher… »

La police s’est déjà livrée, sur le rond-point de Dions, près de Nîmes à un autodafé. L’artiste Swed Oner avait réalisé un portrait géant, dix mètres de haut, de “Marcel”, un maçon à la retraite, de 77 ans, d’origine espagnole. Mais il faut croire que ce visage, les rides qui le sillonnaient, la lumière dans son regard, il faut croire que cette oeuvre menaçait l’ordre public : vos forces ne se sont pas contentés de la saisir. Elles l’ont méthodiquement démolie, l’ont en partie brûlée, et les débris furent retrouvés à la décharge. Ainsi votre gouvernement traite-t-il un art populaire. Mais que dirait-on si un Gilet jaune, muni d’une hache, était entré à la fondation Louis-Vuitton ? Avait défoncé les « installations » de Bernard Arnault ? Vous crieriez à l’obscurantisme! A l’atteinte à la Culture ! Le scandale national, international peut-être !

Les collectivités paient, bien souvent, des dizaines de milliers d’euros pour orner leur rond-point de sculptures bizarroïdes. Là, le travail de décoration est effectué gratuitement, il émane du peuple, et vous vous appliquez à détruire ces monuments, ces fresques : il ne faut pas seulement taire la révolte, il faut également en effacer les traces, fussent-elles artistiques. Fussent-elles des signes manifestes de patriotisme, d’amour de son pays.

Alors, la question, aujourd’hui, est là : allez-vous détruire cette œuvre d’art populaire ? Cette protestation pacifique ? Cet hommage, singulier, à la mémoire d’Olivier ?

PS : Monsieur le préfet du Var, il paraît que vous allez aussi détruire ça au Cannet-des-Maures !

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