Aller à la maternité en Uber ?

Creil est la septième ville la plus pauvre de France, 40% de la population ne possède pas de voiture, et aucune ligne de transport en commun n’existe entre Creil et Senlis. Comment les femmes de Creil et des alentours se rendront-elles à la maternité ? En Uber?

M. François Ruffin interpelle Mme la ministre des solidarités et de la santé au sujet de la fermeture de la maternité de l’hôpital de Creil.

Le mardi 8 janvier, l’Agence régionale de santé (ARS) a confirmé la fermeture de la maternité de Creil et son transfert à l’hôpital de Senlis. Ce lundi 28 janvier, les travailleurs de l’hôpital et les élus locaux sont parvenus à empêcher que les camions de déménagement n’emportent le matériel médical de Creil à Senlis. Le lendemain, le personnel de l’établissement se déclare en grève illimitée. Depuis ses origines vous avez soutenu, Mme la ministre, la fermeture de la maternité.

Chaque année, 1600 enfants naissent à la maternité de Creil. Elle est classée en niveau 3, c’est-à-dire que l’établissement est en mesure de prendre en charge les grossesses à haut risque. En programmant la fermeture de cette maternité, vous vous attaquez à toutes les femmes enceintes du bassin creillois, et particulièrement aux plus fragiles d’entre elles : Creil est la septième ville la plus pauvre de France, 40% de la population ne possède pas de voiture, et aucune ligne de transport en commun n’existe entre Creil et Senlis. Comment les femmes de Creil et des alentours se rendront-elles à la maternité ? En Uber?

Fermer la maternité de Creil, c’est fragiliser davantage un territoire qui cumule déjà les difficultés, c’est éloigner plus encore une population précaire des services publics de proximité, c’est mépriser le personnel hospitalier et les élus locaux qui se battent pour le maintien de la maternité, c’est renforcer les injustices dès la naissance. Face à l’absurdité de cette décision, le maire de Creil et les élus de la communauté d’agglomération ont déposé plusieurs recours devant le tribunal administratif pour faire annuler l’arrêté de fermeture. Ils ont organisé au mois de novembre 2018 une votation citoyenne lors de laquelle 99% des 5412 participants se sont prononcés pour le maintien de la maternité. L’esprit du Grand débat a ses limites…

La fermeture de la maternité de Creil n’est hélas pas un cas isolé : depuis quinze ans, un tiers des maternités ont été fermées en France. Vous poursuivez la politique dramatique de vos prédécesseurs en faisant primer les calculs économiques sur les intérêts de service public. A ma collègue la sénatrice Laurence Rossignol qui vous interrogeait sur cette fermeture le 1 mars 2018, vous parliez de « rationalisation de l’offre de soins ». Rationalisation budgétaire peut-être, mais où est la raison lorsque la décision de l’ARS éloigne les femmes des maternités, les mettant en danger ainsi que leurs enfants ? L’ARS a ses raisons que la raison ignore.

Plus récemment le 23 janvier 2019, vous justifiez cette « restructuration » par des « questions de sécurité » et par « l’aval des professionnels de santé », face à ma collègue la sénatrice Laurence Cohen. De quel soutien et de quelle sécurité parlez-vous lorsque l’intégralité des médecins anesthésistes du Groupe Hospitalier Public du Sud de l’Oise estiment que « les conditions de travail sur le site de Senlis ne rempliront en aucune façon les objectifs de sécurité optimale pour la parturiente et le bébé, contrairement à la communication faite récemment auprès des usagers » ? De quel soutien et de quelle sécurité parlez-vous lorsque Loïc Pen, le chef des urgences de l’hôpital de Creil, démissionne le 24 décembre 2018 pour dénoncer le risque qu’une fois la maternité fermée, les naissances ne s’effectuent aux urgences par des médecins non formés pour cela ? De quel soutien parlez-vous lorsque depuis le 29 janvier le personnel hospitalier de Creil annonce une grève illimitée ?

Mme la ministre, n’est-il pas temps de soutenir le maintien des services de maternité de l’hôpital de Creil ?

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